Quand en 1977 l’architecte-urbaniste Jean-Claude Drouin creuse sa maison dans la côte de Rochecorbon, il passe pour un illuminé. Loin de tout conditionnement de la pensée, il comprend déjà tout le potentiel d’un retour aux fondamentaux en architecture. En témoigne cette maison-serre aux qualités bioclimatiques éprouvées, toujours adaptée aux usages, incroyablement atemporelle.
Lorsqu’il découvre le site il y a plus de 35 ans [N.D.L.R. en 2012], Jean-Claude Drouin a face à lui ce qu’il reste d’une orangerie et d’une serre, dépendances du château de Sens, voisin disgracieux et selon lui, « le plus vilain château de toute l’Indre-et-Loire ». Qu’à cela ne tienne, le lieu est un panorama. L’architecte a déjà en tête l’amorce d’un projet d’habitation pour lui et sa famille.
L’alchimie

La maison qu’il réalise fait figure de discrète. Partiellement encastrée dans le rocher, elle s’y adosse aussi sans le perturber et sans obstruer la vue depuis le chemin de randonnée en surplomb ; « le paysage est dans l’œil de celui qui le regarde ». La serre est reliée à l’orangerie par un nouveau volume. L’enduit lissé blanc de sa façade est un accent de lumière sur une toile de fond minérale et végétale d’une tonalité plus tendre. Par les effets de décalé et du blanc en deuxième plan, l’existant d’origine s’intègre dans la nouvelle construction. Le rocher est creusé pour y inclure cuisine, chambres et garage. Dans son écrin de pierre, baignée de lumière, la maison se mêle sans retenue au tableau.
L’écriture

L’esprit du lieu a été conservé et l’écriture contemporaine a toute sa place. L’architecte ne craint pas les mélanges de styles, il s’en réjouit au contraire. Il faut bien que les époques aient leur identité propre sans se complaire dans une quelconque nostalgie conservatrice. La gamme de matière est déjà là : la pierre, le végétal, le béton, le métal, le verre et la lumière.
Les détails



Le gage d’une réalisation réussie se lit aussi dans le traitement des détails. Dans le mur du salon, une niche a été creusée en souvenir de la maison troglodytique de Marmoutier dans laquelle l’architecte habitait précédemment. Les marches de l’escalier ne sont portées que par des fers à béton, de simples tiges de métal, qui permettent de le rendre plus aérien en générant du vide. L’une des raisons pour lesquelles la serre a été conservée et réhabilitée est que celle-ci est assemblée par des milliers de rivets (et non des boulons), lui donnant une qualité de finition et un caractère unique. De l’orangerie, des bandeaux vitrés et des poutrelles en béton ont été conservés.
La Loire en spectacle

Depuis n’importe quel endroit dans l’habitation, le rapport avec l’extérieur est constant. Les baies créées ont une forme simple. Elles invitent le paysage et la lumière dans la maison. Dans chaque espace de vie, une vue directe sur la Loire est à prendre : au sortir de la buanderie, depuis la douche, le lit, le bureau… Impossible de composer sans le fleuve majestueux. On ne le domine pas. Il marque sa présence. La maison s’invite dans son spectacle sans le dénaturer.
Texte et photos Lucie Cluzan / dans le magazine VILLADéco octobre 2012