On me dit qu’il est possible de faire vivre du lien social, sans le dire, grâce à la pétanque ; Yann Ollivier, le président de La Pétanque Moëlanaise (en bretagne) affirme que « la pétanque est le baromètre de la vie sociale ». Il parait même que dans son club les femmes représentent 10% des licenciés. Certes, elles ne sont pas encore nombreuses à pratiquer, mais c’est un début. L’espace public ne serait plus ainsi réservé aux hommes. Et ce n’est pas tout. Il n’y a pas que ceux qui ont les « pieds tanqués », ceux qui tirent ou qui pointent ; il y a ceux qui encore regardent et commentent.
Jouer ou regarder, c’est le jeu
Mais, ceux qui regardent et commentent, avec le temps apprennent à se connaître. Alors, les mots échangés vont bien au-delà du jeu, passent par les bons mots, les moments racontés et les contrariétés. Alors, pour notre bonne hygiène de vie, il faudrait évidemment que le jeu soit placé en cœur de ville, en cœur de quartier. Là où les gens passent, s’arrêteront peut-être au son d’un carreau ou d’une boule chiquée. Là ou d’autres s’assiéront pour mieux profiter des mots et même en envoyer pour amuser la galerie ou faire un bras. Il faudrait ouvrir le jeu pour laisser la place aux nouvelles commentées, pour raconter la ville et ses histoires, le vivre ensemble.
Un jeu d’expression
J’y reviens donc car il y a une pièce de théâtre de Philippe Chuyen qu’il faut voir absolument : « Les Pieds Tanqués », un grand moment de théâtre, une comédie dramatique forte, sur l’identité et le vivre ensemble, dans laquelle les mémoires s’entrechoquent et la gravité du propos n’exclut pas l’humour. Une pièce montée en 2012 et jouée par la compagnie théâtrale Artscénicum, dont le projet est de créer des espaces de dialogue et de réflexion, ancrés dans une identité locale mais ouverts à une compréhension universelle. Un théâtre où les récits du passé nourrissent une quête de liberté et d’expression.
Quand la partie commence
En Provence, sur un terrain de boules, quatre joueurs s’affrontent : Zé, le pied-noir ; Yaya, le Français né de parents algériens ; Loule, le Provençal « de souche » ; et Monsieur Blanc, le Parisien fraîchement arrivé dans la région. On pourrait croire à une simple partie de pétanque entre amis mais ce sont toutes les souffrances de la guerre d’Algérie et les questions d’identité qui nous sautent soudain à la figure. Au gré des boules pointées ou tirées, le passé ressurgit et on découvre les blessures secrètes de chacun : ils s’opposent, se liguent, livrent chacun leur vérité mais tous ont à cœur de finir le jeu sur ce terrain qui les rassemble et les unit… Une pièce où les mémoires s’entrechoquent dans laquelle la gravité des propos n’exclut pas l’humour. Une comédie dramatique sur l’identité et le vivre ensemble.
Une pièce qui encore, pour mieux en entendre toutes les sonorités, serait à goûter en plein air assis sur un banc d’un terrain de pétanque ou autre boulodrome, le lieu par excellence de la rencontre et de la parole.
Un spectacle à voir absolument, et qu’il ne faut manquer (s’il est à l’affiche près de chez vous) sous aucun prétexte.
En savoir plus sur la compagnie et ses créations : https://artscenicum.fr/