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Tapis rouge - Photo Xavier Guillon

Le “Pass d’Or” ne serait-il qu’un titre de transport ?

Pour Tours, c’est la fête. Son réseau de transports en commun vient de recevoir le 10 décembre dernier son “Pass d’Or”, le titre de meilleur réseau français de l’année décerné par le magazine “Ville, Rail et Transport”. Le jour même, le magazine “Info Tours” écrit : “Avec son tram et ses deux bus à haut niveau de service, Tours devance Nantes, ville pionnière en matière de tram”. Dans le même article il ajoute : “Reste que les services tourangeaux sont encore perfectibles aux yeux de certains avec notamment des demandes récurrentes pour l’amélioration du service en soirée et l’attente d’une deuxième ligne de tram ou au moins de l’ajout d’une nouvelle branche sud à la ligne existante”. Et c’est bien la raison qui m’a poussé à prendre le train en marche.

On ne fait que de le lire

L’objectif annoncé par les villes est d’encourager l’usage des transports publics. Chaque année de nouveaux trams, de nouvelles lignes, une réorganisation du réseau, de nouveaux horaires… le transport en commun est en mouvement. Ce qu’attendent les citadins, écrivent les services de nos villes, est de disposer d’une offre de transport performante.

Oui mais, nous n’en sommes pas arrivés là !

De véritables moments de vie - photo Xavier Guillon
De véritables moments de vie – photo Xavier Guillon

Les villes s’emparent pleinement des résultats des études toujours favorables au transport en commun. Et là-dessus tout va bien, comme le confirme l’étude Keolis – TNS Sofres réalisée en 2007 : “Les transports en commun sont de véritables moments de vie dans lesquels les individus vivent des instants d’une grande richesse. Derrière la routine engendrée par l’utilisation régulière des transports en commun et les automatismes qu’elle suppose, un vrai temps de vie émerge, qui représente un temps pour soi, un temps rentabilisé.”

Alors, au-delà des prix décernés annuellement aux villes pour la qualité de leur réseau, on soupçonne quelque peu Keolis (le principal opérateur privé de transport public de voyageur en France) d’en profiter à bon compte pour valoriser ses dernières nouveautés et améliorations. On aimerait dégager Alstom et Bombardier de tout intérêt dans l’affaire. Il reste, que s’inscrit en forte lisibilité pour nos responsables territoriaux, un bel effet d’annonce doublé de l’autosatisfaction d’être affiché au top 3 des villes françaises.

Une promesse en attente ?

Dans cette affaire de prix, les opérateurs et les décideurs sont satisfaits, alors que l’usager n’a pas encore son compte. Car enfin que nous a-t-on promis ? Tout simplement que cet outil de transport devienne pour l’ensemble des citadins (et non pas pour certains seulement) une alternative crédible à l’usage de la voiture particulière. Nous n’y sommes pas. Se déplacer, c’est vivre, aller et venir, échanger, travailler, visiter, se rencontrer. La question de la simplification des déplacements est donc fondamentale dont la clé réside dans une évidente coexistence des différents modes de transports, mais surtout du fait que l’on puisse aller d’un quartier à l’autre sans aucune difficulté. C’est en effet de la qualité du réseau de circulation et des transports que dépend en partie la qualité de la vie en ville.

Ou plutôt, comment passer de la théorie à la pratique

La ville, c'est l'Homme qui la fait - photo Alain Dutour
La Ville, c’est l’Homme qui la fait – photo Alain Dutour

Car oui, c’est de l’usager qu’il s’agit. Ainsi, je parle d’une ville accessible pour le plus grand nombre, une ville dont chaque quartier est une entière partie de l’ensemble. De ce quartier, comme de tout autre, on peut aller et venir vers un autre dans un même rythme. J’évoque une ville qui fait coexister les différents modes de transports en les reliant les uns aux autres pour une simplicité d’usage. Car en fait qu’est la ville ? Pour moi, la ville n’est pas qu’un cadre, une infrastructure organisée par des urbanistes ; elle est d’abord un lieu d’utilisation quotidienne des citadins qui y vivent et de ceux qui y viennent. La ville est station, circulation, étape. C’est dans le langage du transport, sa nature. On s’étonne alors qu’à Tours, le réseau du tram n’ait pas été pensé avec une liaison directe entre la gare et l’aéroport.

Et pourrions-nous changer tout ça ?

bus-horizon.com - Photo Châteauroux Métropole
bus-horizon.com – Photo Châteauroux Métropole
Train de vie à Tallinn - Photo news.err.ee
Train de vie à Tallinn – Photo news.err.ee

Ici et là, des exemples illustrent l’idée d’un transport simple et facile. Plusieurs grandes villes européennes (Tallinn en Estonie, Torrevieja en Espagne, Ploiesti en Roumanie…) et de nombreuses petites villes dans le monde ont déjà instauré la gratuité des transports en commun. En France, la pionnière en la matière est la ville de Châteauroux (depuis 2001) où de 7 heures à 20 heures trente-quatre bus desservent les douze communes de l’agglomération. Un an après la mise en place de la gratuité, la fréquentation progresse de 81%. En dix ans, le nombre de kilomètres couverts par le réseau a augmenté de plus de 42%. Financièrement la transition a été assurée par une très légère augmentation de la taxe transport payée par les entreprises. L’objectif d’améliorer la mobilité à destination du centre-ville est atteint et le réseau dessert de plus en plus de secteurs de l’agglomération, notamment les secteurs peu denses et/ou périphériques de l’agglomération.

À Château-Renault, une petite ville de l’Indre et Loire, du lundi au vendredi, de 9 heures à 13 heures, le bus urbain relie tous les quartiers en passant par le centre-ville. C’est un service municipal gratuit ouvert à tous les habitants de la ville que rapporte Camille Cruz de l’école de journalisme de Tours dans un article sur chareaurenault.blog.lemonde.fr le 19 mars 2014. “Première boucle : 32 arrêts, une heure et demi de trajet. Deuxième boucle : 41 arrêts en deux heures et quart. Dans les rues de Château-Renault, en matinée, personne ne peut rater le « bus solidaire » qui sillonne les rues escarpées d’une ville d’à peine 4 kilomètres carrés, deux fois plus petite que le 13ème  arrondissement de Paris. Ce bus, gratuit, est un vrai service pour les 22 % d’habitants qui ne possèdent pas de voiture.  « Maman, c’est ton taxi », rigolent les trois enfants de Fatimah quand le bus s’arrête juste devant sa tour. Fatimah, 47 ans, n’a ni emploi, ni permis. Alors le bus, pour elle, c’est la possibilité d’aller au supermarché, chez le médecin, à la poste.”

Il reste encore à mieux adapter le réseau et les horaires au rythme de la ville et de ses habitants. C’est une idée qui a pourtant vu le jour au Japon, où même si certains considèrent que la société ferroviaire japonaise Japan Railways aurait d’autres raisons moins humaines, la chaîne de télévision chinoise CCTV News rapporte qu’un train s’arrête à la gare de Kami-Shirataki, dans le nord de Hokkaido, deux fois par jour pour qu’une écolière puisse aller à l’école et pour qu’elle puisse rentrer chez elle après les cours.

Liberté d'aller - Photo Alain Dutour
Liberté d’aller – Photo Alain Dutour

Bien sûr, c’est un cas extrême. Mais pour insister un peu plus sur cette idée que la ville qui doit vivre au rythme de ses habitants, un exemple qui lui concerne une ville de l’agglomération de Tours (Tour(s)Plus) : Fondettes, est la commune de l’agglomération dont les impôts communaux sont les plus élevés et qui par eux participe donc favorablement aux frais de fonctionnement de l’agglomération. Dans la journée la rotation des bus est dans un rythme normal (environ 1 bus toutes les quinze-vingt minutes). La ligne est bien desservie. Les stations sont nombreuses. Rien à dire, si ce n’est que pendant les vacances, la fréquence est moins grande et que le soir il est impossible d’utiliser le transport en commun pour revenir d’un spectacle produit en centre-ville. Et oui, le dernier bus en partance de la gare de Tours pour Fondettes est à 20h12. Un peu tôt n’est-ce pas ?

Au même mal, plusieurs médications

Pour simplifier la vie de ses habitants, des villes offrent un transport gratuit pour tous. Dans d’autres, ce sont les entreprises qui financent le coût du transport public. Pour la plupart des grandes villes de France, c’est l’opérateur privé qui organise ses lignes et ses stations par une simple adéquation entre flux des usagers et rentabilité financière.

“Me laisserai-je éternellement ballotter par les sophismes des mieux-disant ?” écrivait Jean-Jacques Rousseau. Mais non. Il ne s’agit que d’une question d’accentuation facile à corriger.

 

Voir aussi :

La synthèse de l’étude Keolis / TNS Sofres de juin 2007 “Les transports en commun : une expérience de vie” http://www.keolis.com/fileadmin/documents/medias/publications/keoscopie/keoscopie_I/Etude_Keolis-TNS_Sofres.pdf

“Horizon, le réseau de transport en commun gratuit” – Communauté d’agglomération Castelroussine – bilan 2001-2011 http://ecoloceane.free.fr/gratuite/bilan.pdf

L'auteur : Xavier Guillon

Rédacteur en chef et en os et profiteur d’espaces, il aime l’urbain et le crie haut et fort. En secret, il rêve de nature et prend régulièrement les chemins vicinaux.

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