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Rue Nationale à Tours - Photo de Gaspar Païva / ZoneFranche.media

[À livre ouvert] Dans « Manifeste pour un urbanisme circulaire », la ville fait fuir ses enfants.

« La ville fait fuir ses enfants » in « Manifeste pour un urbanisme circulaire / Pour des alternatives concrètes à l’étalement de la ville » de Sylvain GRISOT ; pp. 56- 59 ; dixit.net (fév.2020)

« (…) Une ville ne devrait pas donner envie de la quitter quand les enfants arrivent, mais c’est pourtant le quotidien des métropoles. Car derrière des chiffres souvent flatteurs de croissance de population se cachent des phénomènes bien plus complexes. Les villes centres des métropoles attirent de nouveaux habitants venus de loin, mais en rejettent aussi vers leur périphérie, parfois même plus qu’elles n’en accueillent (c’est le cas à Nice, Marseille, Grenoble, Orléans, Metz, Rouen ou Toulon entre 2013 et 2017).

Le visage riant du périurbain, c’est celui de ce Maire qui accueille de jeunes ménages avec enfants dans son lotissement neuf, ce qui lui permettra d’éviter la fermeture des dernières classes de son école. Son autre visage, c’est bien le départ de ces familles du cœur des métropoles.

Partons pour Toulouse, ville (rose) symbole de l’attractivité métropolitaine française. La ville centre (475 000 habitants) s’insère dans une métropole dynamique (36 communes et 275 000 habitants de plus) qui concentre les emplois occupés par les habitants d’une vaste périphérie de plus de 700 communes, pour encore 650 000 habitants de plus (la « zone d’emplois » de l’INSEE). En comparant la pyramide des âges à cinq ans d’intervalle (hors naissances et décès), on peut mesurer les départs et arrivées par tranches d’âges à Toulouse, la métropole (sans sa ville centre) et la zone d’emploi (sans sa métropole). Les constats sont éloquents.

Attractive, Toulouse ne l’est en fait que pour les 15-24 ans. La ville centre n’attire qu’une population jeune essentiellement étudiante, et voit partir une part importante de ses familles (les parents de la tranche 24-44 ans et leurs enfants de 0-9 ans). Ce ne sont pas les autres communes de la métropole qui accueillent l’essentiel de ces familles, mais la périphérie plus distante. Ils dormiront désormais dans une de ces 700 communes qui accueillent ceux qui travaillent dans la métropole, et feront les trajets…

Tous ces récits de couples qui décident de déménager loin de la ville une fois les enfants arrivés (pas qu’à Toulouse) dans une recherche complexe de mètres carrés, d’extérieur et de propriété abordable prennent un sens statistique réel et reflètent un mouvement massif contre lequel devraient se focaliser les politiques urbaines. On arrive étudiant ou jeune salarié dans la métropole, pour la quitter après le premier ou le deuxième enfant, faute d’offre de logements familiaux, de marché abordable, d’espaces publics et de nature pour accueillir dignement les petits.

Non le rêve périurbain n’est pas une envie irrépressible de vivre en lotissement et de multiplier les kilomètres en voiture. C’est un modèle culturel savamment entretenu à coup de sondages biaisés, de terrains pas chers (mais loin), de maisons personnalisables (standardisées) mais surtout… d’absence d’alternative. Le pavillon, la maison “quatre façades” comme disent nos voisins belges, répond en même temps à plusieurs besoins pourtant dissociables : la propriété accessible, de l’espace extérieur, et la bonne performance énergétique apportée par le neuf.

Alors bien sûr, nous ne logeons pas que des ‘homo economicus’ strictement rationnels, sinon ils éviteraient les coûts cachés du transport induits par la distance, systématiquement sous estimés. Le déficit d’offre abordable en location comme en accession pousse la part la plus modeste des habitants de métropoles loin des centres, avec des effets contre-intuitifs : plus les revenus des ménages accédant à la propriété la première sont faibles, plus la proportion de logements individuels est forte. Non, ce n’est pas nécessairement une préférence marquée pour la maison, c’est la seule offre qu’ils peuvent se permettre d’acheter, et elle se trouve dans les communes distantes. La proximité coûte désormais trop cher, c’est cela qui exclut progressivement les plus modestes du cœur des villes. »

Le livre « Manifeste pour un urbanisme circulaire / Pour des alternatives concrètes à l’étalement de la ville » de Sylvain GRISOT : http://zonefranche.media/livre-manifeste-urbanisme-circulaire-de-sylvain-grisot-4154

L'auteur : La rédaction

Les rédacteurs et photographes du magazine écrivent des paysages et des horizons.

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