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[Lecture du jour] Le rural, de l’urbain qui s’ignore ?

L’enjeu est de partir du constat de l’urbanisation du monde pour tenter d’appréhender les différentes modalités qu’elle recouvre. Encore, nous devons réaliser qu’il est de plus en plus difficile de savoir où commence et où se termine un ensemble urbain donné, illimité et toujours connecté à d’autres ensembles.

Je propose de considérer que ce que l’on s’obstine à nommer rural en France, pour des raisons essentiellement politiques et culturelles, correspond en fait le plus souvent aux configurations périurbaines et suburbaines les moins densément bâties – mais pas les moins intéressantes, dynamiques et connectées aux logiques urbaines – qui procèdent de la périphérisation. En effet, la moindre observation un peu précise de la géographie française montre l’importance prise, au sein même des périmètres définis par l’Insee comme ceux des aires urbaines, des friches, des cours d’eau, des forêts, des landes, des marais, des périmètres agricoles et horticoles, des espaces vides, des périmètres au bâti peu dense, discontinu ; bref des fractions de “nature”, de “délaissé” et d’agriculture, plus ou moins bien entretenues, et des points de constructions (bourgs, lotissements, pavillons isolés) dans un territoire ouvert, qui se déploient aujourd’hui sur la majorité des surfaces d’une aire urbaine donnée – ce qu’on continue souvent de vouloir nommer campagne, alors que ce mot devient aussi inopérant que celui de ville pour dénoter ce qu’il recouvre.

Ainsi, alors que l’urbanisation renvoie assez spontanément à l’idée de concentration, ce qui est pertinent et avéré, il se trouve qu’elle installe aussi et synchroniquement, en raison même de ses logiques, des espaces où les vides (non bâtis) sont légion et même souvent plus vastes que les “pleins”. Paradoxalement, le fond même de l’urbanisation serait autant la production du peu dense, voire du vide et du délaissé, des paysages ouverts, que celle du plein, du bâti, de l’occupé, des secteurs compacts. Reconnaître cette importance des espaces non bâtis et de l’ampleur de la discontinuité au sein des organisations urbaines modifie de fond en comble la réflexion sur bien des sujets, notamment celui de la supposée dualité entre rural et urbain.

Propos de Michel Lussault, spécialiste de géographie urbaine (extraits) / in “Le rural, de l’urbain qui s’ignore ? ”- Tous urbains n°14 – juin 2016

Illustration à la une – Vers un développement du Grand Douaisis – l’étalement progressif des villages

L'auteur : La rédaction

Les rédacteurs et photographes du magazine écrivent des paysages et des horizons.

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