D’après ce que l’on m’a raconté, dans une chaude nuit d’été d’un temps aujourd’hui dépassé, Jean qui n’avait rien à faire a commencé à observer la lune de sa chambre. D’autres m’ont affirmé qu’il s’agissait plutôt d’une pièce de l’agence Lillo Giglia Architecture. Rien à ajouter; basta.
Mais reprenons l’histoire. D’où Jean la voyait, la lune était encadrée par un grand portail qui donnait sur une cour et de vieilles maisons abandonnées. C’est ainsi, que de sa fenêtre, Jean a imaginé remettre en vie l’ensemble des volumes gris de ces malheureuses constructions. Tout simplement, il s’était rendu compte que s’il pouvait atteindre la lune, il devrait bien être en mesure de bouleverser des volumes » sgarrupati » (très délabrés, presque en ruines), voire même de construire un passage qui le mènerait directement à la lune. Et c’est ce qu’il a fait, m’a-t-on dit. Ou pour le moins, “Quid Vicolo Luna” en est l’expression, la synthèse d’un voyage au cœur d’un des plus anciens et plus beaux points de la ville de Favara en Sicile.
Du rêve à l’intention
“Quid” est le point de départ pour ouvrir la ville au monde. Dans une réinterprétation contemporaine d’un bâtiment ancien et de vides urbains, le lieu doit devenir un champ fertile, retrouver une saveur originale et être l’expression qui permettra des collisions créatives entre l’architecture, les arts graphiques et plastiques, la musique et la gastronomie. C’est l’intention.
À l’origine du projet, le bâtiment (objet de toutes les attentions municipales) n’avait déjà plus rien à montrer. Il avait depuis les années 60 fait l’objet de multiples interventions altérant sa logique et son langage. Consommé par le temps, il avait aussi progressivement perdu sa forme originale. L’idée dans le projet était donc de tirer parti de ce qui était là, d’intervenir avec précision, de soustraire ou d’ajouter, pour reconstruire dans des formes claires. Il y avait aussi par l’utilisation de mortier, de blanc, de gris et d’acier, la recherche d’une neutralité, l’ambition aussi de réveiller sans équivoque de vieilles portes de Pierre, et de faire chanter les matériaux rénovés ou ajoutés.
Pour nourrir la vitalité d’un quartier
Mais ce qu’il fallait soigner en priorité, c’était la mauvaise santé physique et psychique d’un vieux quartier abandonné, d’un lieu qui était diminué. Pour se faire, il fallait régénérer ses tissus, favoriser son oxygénation et défendre sa vitalité. Il fallait surtout initier une conversation entre immeubles et espaces publics et privés du quartier, nourrir une vitalité. On a respecté le bâti, les places, les placettes, les rues, les ruelles, les squares, les cours et les jardins… Naturellement, il n’y a pas eu dans le projet d’apriori sur la question de densification. Par sagesse, de vieilles maisons sont conservées, des mitoyennetés sont respectées, d’autres cassées.
Les marques du temps sont restées visibles, de nouvelles constructions se sont introduites. Dans le projet, deux dimensions se sont constamment confrontées avec respect : la mémoire du passé, l’affirmation du présent. Quelque chose s’est ajouté, que ce soit de jour ou de nuit, l’allée de la lune nous mène vers d’autres perspectives.
Les photos : Salvatore Giglia pour Lillo Giglia Architecture