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[Note de lecture] L’architecture devrait être examinée sans complaisance

À propos de la pensée de l’architecte Françoise Fromonot et du pourquoi elle a créé la revue Criticat

Ce que j’aime particulièrement chez Françoise Fromonot, c’est évidemment sa façon de comprendre l’architecture dans la société. Ce que je remarque au premier abord, c’est évidemment qu’elle est de ma génération et que la pensée politique l’a construit ; j’ai même l’impression en l’écoutant de nous être déjà rencontrés dans un amphi ou autre lieu de débat ; je la comprends tout à fait lorsqu’elle explique comment elle est arrivé à l’architecture et qu’elle dit : “je sortais juste du lycée où la littérature, le dessin, l’art en général mais aussi la politique – c’était l’époque – avait rendu supportable l’ennui de la plupart des enseignements scolaires. Ces domaines que j’aimais avaient l’air de se conjuguer dans ce que j’imaginais être l’architecture : quelque chose d’essentiellement pluridisciplinaire, intellectuel et concret à la fois”. Très jeunes encore, nous étions dans un monde de débats et d’expérimentations. Nous étions dans une époque où les éditions du Seuil avait créé la collection “Politique” – il n’y avait pas si longtemps, en 1966 – qui affirmait au plat verso  de chaque livre : “Les problèmes politiques sont les problèmes de tout le monde ; les problèmes de tout le monde sont des problèmes politiques”. En reprenant les mots de Françoise Fromontot, on peut dire que nous étions nombreux à être animés par “le même esprit libertaire, la défense de l’idée d’un savoir décloisonné, en mouvement, discutable et donc discuté, très politisé”.

Criticat n°19 pp. 80 et 81

Cela ne pouvait pas s’éteindre ; cette culture-là ne pouvait même que s’enrichir à la rencontre des villes, des livres, des promenades, des voyages, des débats… jusqu’à penser qu’il fallait “chercher une voie alternative sur l’architecture venue exclusivement de l’intérieur de la discipline, mais aussi à son inverse, la pluridisciplinarité dissolvante, qui suppose de s’en remettre à de tout autres domaines pour expliquer l’architecture et l’évaluer, notamment du point de vue social”.

Un point de départ pour la création d’une revue d’intérêt, parce que pour Françoise Fromonot, la co-fondatrice et animatrice de la revue Criticat, “l’architecture devrait être examinée sans complaisance : parce que des gens y vivent, la regardent, la pratique, mais aussi parce que la célébration inconditionnelle des bâtiments et de leurs architectes est stérile, y compris pour ces derniers”.

D’après un article publié dans TOUS URBAINS n°15 de septembre 2016 – Un entretien avec l’architecte, l’enseignante et la critique d’architecture Françoise Fromonot – Édition : Presses Universitaires de France

Photo à la une via : http://aa-landscape-urbanism.blogspot.com

Illustration : pp. 80 et 81 – Les « Lods » à Rouen, la guerre du feu, par Martin Etienne et paru dans le criticat numéro 19 au printemps 2017 – Une visite dessinée de 16 pages dans un quartier d’habitation construit par l’architecte Marcel Lods à la fin des années 60 sur les hauteurs de Rouen.

La ligne éditoriale de la revue

Pourquoi une revue critique d’architecture ? Parce qu’il doit exister un espace de réflexion sur l’architecture indépendant des institutions, et ouvert à l’ensemble des acteurs de la vie intellectuelle et artistique. Parce que, placée au cœur des enjeux politiques, sociaux, économiques, esthétiques…, l’architecture bénéficie d’une position privilégiée, et insuffisamment exploitée, pour observer les transformations de l’environnement et de la société. Parce que décrire et interroger l’architecture et ses enjeux c’est renouer avec une critique engagée du monde tel qu’il se construit.

Contact et info Association Criticat 110, boulevard Arago 75014 Paris critic@criticat.fr

L'auteur : Xavier Guillon

Rédacteur en chef et en os et profiteur d’espaces, il aime l’urbain et le crie haut et fort. En secret, il rêve de nature et prend régulièrement les chemins vicinaux.

Un commentaire

  1. Partout, ce sont les mêmes aménagements paysagers
    En fin de l’article publié dans TOUS URBAINS, l’architecte Françoise Fromonot – à la question : “quel regard portez-vous sur l’évolution des grandes villes comme Paris, Lyon, Bordeaux ou Nantes, et le rôle de l’architecture et des architectes dans cette évolution ? –répond : “à Paris, en tout cas, je trouve certaines de ces évolutions alarmantes ! Et les acteurs de l’aménagement de la capitale n’ont sans doute pas le monopole de l’inculture et du cynisme, habillés de déclarations voulues vertueuses sur la « participation » ou le « faire mieux autrement ». Ce qui frappe, dans les exemples que vous citez, c’est l’impression générique qui se dégage des paysages urbains récemment produits par ces villes, pourtant très diverses, pour stimuler leur « attractivité », et partant, y répondre. Partout, ce sont les mêmes aménagements paysagers / durables / événementiels des places publiques et de berges des fleuves ; les mêmes projets urbains de catalogue, remplis d’architectures prétendument innovantes, dont l’extravagance toute en façade doit surtout racheter la platitude conventionnelle des plans d’urbanisme. La convention peut avoir une valeur quand elle facilite le vivre-ensemble, pas quand elle équivaut à un rabotage mécanique de la réflexion. Si ces nouveaux milieux urbains se ressemblent, c’est parce qu’ils sont le portrait construit de normes institutionnelles, commerciales, juridiques et même mentales (…)”

    In “L’architecture devrait être examinée sans complaisance” – Un article publié dans TOUS URBAINS n°15 de septembre 2016 – entretien avec l’architecte, l’enseignante et la critique d’architecture Françoise Fromonot – Édition : Presses Universitaires de France

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