Couvertes de gouttes de pluie ou de condensation, portant parfois des rayures ou des tags, les surfaces vitrées des abribus, des stations de tramway ou encore des bouches de métro, sont de merveilleux filtres s’interposant entre le photographe et les réalités de la ville. En faisant la mise au point sur ces surfaces et non sur ce qu’il y a derrière, chaque goutte devient un miroir minuscule et le second plan prend un aspect pictural.
Entre les gouttes, le réel urbain devient moins ordinaire ; les couleurs sont plus vives, les surfaces perdent leur relief
et les contours deviennent flous.
Entre les gouttes, on devine ce qui se passe et ceux qui passent.
Pour Alain Dutour, comme pour le samouraï japonais Jōchō Yamamoto ( 1659 – 1719), il y a beaucoup à apprendre de la pluie. Lorsqu’il pleut, la ville se vit sous un tout autre rythme. On le sait, « un homme, lorsque qu’il est surpris par une ondée soudaine, se met à courir, aussi soudainement, pour éviter d’être mouillé. Pourtant, tout bien considéré, comme il est inévitable de se faire mouiller par la pluie, autant garder son calme et poursuivre son chemin, l’esprit en paix, puisque de toute façon vous finirez trempé jusqu’aux os. Cette leçon de vie s’applique à toute chose » ; c’est en tout cas ce qui est rapporté dans le « Hagakure », une compilation des pensées et enseignements de Jōchō Yamamoto.
Alain Dutour a enseigné la géographie de l’environnement à l’université de Tours pendant une trentaine d’année. Il a toujours aimé dessiner et peindre et découvre la photographie numérique en 2008, une technique qui lui permet de photographier avec une certaine simplicité, le banal et l’ordinaire, ce à quoi on ne prête généralement pas attention. De retour en atelier, il s’attache à révéler dans les clichés qu’il retient une évidente dimension poétique ; ce ne sont pas les réalités du monde en tant que telles qui l’intéressent, mais plutôt ses résonnances.