Larissa Fassler trace les mouvements quotidiens de la ville moderne, les déplacements de ses habitants. Elle se concentre même sur les aspects les plus banaux et quotidiens de la ville tels qu’ils sont vécus quotidiennement par ses habitants. Un constat : tout se connecte : les réseaux souterrains piétonniers et ferroviaires, les places, les rues, les immeubles d’habitation ou de bureaux…
Et bien qu’elle utilise les conventions de la représentation architecturale — maquettes, plans, sections, élévations et projections — pour cartographier les espaces de la ville, Larissa Fassler s’intéresse à un tout autre sujet : les pratiques de la vie quotidienne qui animent ou contestent ces espaces. Car Larissa Fassler est intéressée par «le public», plutôt que par «l’espace public».
Tout recalculer les mouvements dans la ville en nombre de pas
Pour réussir, à travers une refonte stratégique de l’unité de mesure et des données, elle redéfinit sa mesure architecturale : la longueur et la distance se mesurent alors en “nombre de pas”, la hauteur en “moi + bras + main» ou «moi + bras + main + main”. Elle ajoute des notes sur ses croquis, et des légendes – sorte de synthèse de son étude de terrain – comme par exemple pour une planche concernant les mouvements en Gare du Nord : « La Gare du Nord est une importante plaque tournante du transport en commun utilisée par des centaines de milliers de personnes chaque jour. Il relie les passagers entre Paris et sa banlieue nord et une grande partie du nord de l’Europe. Lieu compliqué, chaotique et en perpétuel mouvement, cette gare est à bien des égards emblématique de la France plus généralement. Pendant plusieurs mois, j’ai observé et documenté les détails de cette gare et les schémas et comportements de ceux qui l’utilisent. Les six grands hybrides de dessin cartographique qui en résultent montrent une combinaison de chaos et d’ennui, de surveillance et de subversion, et ouvrent une conversation sur les difficultés des négociations en cours en France entre le nationalisme, la politique identitaire et les relations raciales ».
Tout enregistrer les mouvements dans la ville en circulations
D’autres notes encore, comme pour la Concorde, incluent le nombre de personnes qui traversent le pont, le nombre de vélos, la météo, où les punks sont assis, où les gens urinent, où le vendeur illégal de cigarettes cache ses marchandises, quand les voitures de police sont arrivées, combien coûte une bière et des saucisses, ainsi que les horaires de train, vélos, enseignes, plaques, règlements, panneaux d’affichage, affiches, graffitis et autocollants, photos d’événements historiques qui ont eu lieu sur le site , articles de journaux, projections de coûts pour le réaménagement des sites, rapports municipaux, rapports sur la criminalité et même romans. C’est une véritable fiche de synthèse du lieu observé. Ce sont des cartes annotées aussi sur lesquelles on a enregistré toutes les circulations pendant un temps donné et qui permet de mieux noter les réseaux et les connexions. Elles réorganisent en quelque sorte la carte traditionnelle de la ville en traçant plutôt les liens que les lieux.
Enfin, dans son travail, elle insiste sur les mouvements qui déterminent de nouveaux espaces. Il n’y a plus de frontières établies arbitrairement. Il n’y a plus d’ensembles visibles ; ce sont les utilisateurs qui les déterminent. Martin Heidegger, comme d’autres avant lui, distinguait l’espace mesuré et rationnel (celui de l’architecte, du constructeur ou de l’ingénieur) de l’espace expérimenté. Les systèmes de mesure personnels de Fassler accompagnées de ses notes – ses “informations expérientielles et archivistiques” – ajustent constamment l’écart qui existe entre ces deux notions d’espace.
Larissa Fassler est née en 1975 à Vancouver (CA). Depuis 1999, elle vit et travaille à Berlin. Si le travail de Larissa Fassler entretient un rapport évident avec l’architecture, il se construit essentiellement sur un ensemble de relevés et d’impressions dont l’artiste fait l’expérience, et qu’elle synthétise dans de grandes compositions graphiques, maquettes ou sculptures. Ce qui l’intéresse, c’est la façon dont les lieux affectent les gens, psychologiquement et physiquement, et à leur tour comment la perception, la compréhension et l’utilisation du lieu par les gens se manifestent physiquement dans l’environnement bâti qui les entoure. Son travail est organisé en séries, construites autour de sites urbains spécifiques : Regent Street (London 2009), La Gare du Nord (Paris 2014), Alexanderplatz (Berlin 2006), Kotti (Berlin 2008-2014), Les Halles ou La Place de la Concorde (Paris 2011). Elle explore le seuil entre l’espace et les volumes, la manière dont ils sont investis et exploités. L’artiste est représentée par la Galerie Poggi, à Paris (FR)
Biographie : L’œuvre de Larissa Fassler a été exposée dans des expositions individuelles à l’échelle internationale : au Currier Museum of Art, Manchester, NH (USA); le Bröhan-Museum, Berlin (DE); au Prix d’art de Berlin (DE), à la Fondation Esker, Calgary (CA); au Centre culturel canadien, Paris (F) et au Musée d’État de Hesse Darmstadt (D) et à la Galerie Jérôme Poggi, Paris (FR). Les récentes expositions : KOW, Berlin (DE); The MAC, Belfast (GB); The National Gallery of Canada (CA); PalaisPopulaire, Berlin (D); a public art commission by KW – Institute for Contemporary Art, Berlin (DE) and at the 11th São Paulo Architecture Biennial (BR). Actuellement, Larissa Fassler expose au CCC-OD à Tours (FR) avec d’autres artiste dans le cadre d’une exposition collective ayant pour titre « étendue, corps, espace. Olivier Debré et les artistes-architectes» du 16 octobre 2020 au 28 mars 2021 (sauf fermeture en raison Covid). Son travail est présent dans plusieurs collections publiques : Le Musée d’État de Berlin (DE), le Musée des beaux-arts du Canada (CA), le FRAC Auvergne et le FRAC Aquitaine, Bordeaux (FR), la Collection Huma Kabakcı, Istanbul (TR), la FMAC Paris (FR), le Musée d’État Schwerin (DE), la Collection Deutsche Bank (DE), la Collection Fpm (DE) et la Collection nationale des livres d’artistes du Québec (CA) , ainsi que de nombreuses collections privées. Des articles ont été publiés dans Frieze, Artforum, Canadian Art, Uncube Magazine, Western Humanities Review, Architectural Design (AD) et ARCH+.
Du 16 octobre 2020 au 28 mars 2021 (sauf fermeture en raison Covid), Larissa Fassler expose au CCC-OD dans le cadre de l’exposition collective « étendue, corps, espace. Olivier Debré et les artistes-architectes » dont le thème est : Le trait, la ligne, le mouvement, les gestes qui composent et recomposent pour dessiner une trajectoire, tout dans l’œuvre graphique, picturale et sculptée d’Olivier Debré se rapporte à la notion architecturale de structure. Lorsque l’artiste construit ses tableaux, il regarde comme un architecte. Cette exposition a comme ambition de rassembler autour de la figure d’Olivier Debré, des créateurs qui, jusqu’à aujourd’hui encore, ont façonné la pensée de leur travail autour de fondements et de principes liés à la discipline de l’architecture.
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Avec plaisir Mathilde. C’est fait, je pense. Prenez avec nous les chemins qui marchent et aussi les chemins noirs, ceux qui nous emmènent un peu plus loin. Il ne vous restera qu’à vérifier. Bonnes promenades !