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Des os en saillie sur le pignon d'une ancienne grange à Fondettes (37)

Des os fichés dans des maçonneries rustiques

Des os fichés dans les murs de bâtiments anciens, nous en remarquons à Fondettes (37), mais aussi dans bien d’autres régions de France, tant au-delà de la Loire qu’en deçà. Et cette façon de faire remonterait dit-on au XVIIe siècle, bien qu’il resterait encore à vérifier s’il n’y aurait pas une antériorité plus ancienne. Mais ce qui est probable, est qu’on en aurait perdu la raison d’être déjà au XIXe siècle.

Une trace documentaire concernant l’usage de l’os fiché

« Le principe de la culture du chasselas est celui des murs à pêches de Montreuil qui remonte au début du 17e siècle : des murs recouverts de chaux qui emmagasinent la chaleur du jour pour la restituer la nuit. Devant ces murs sont palissés des ceps de vigne à différentes hauteurs. Les murs sont couverts d’un chaperon sous lequel des consoles supportent des protections en paille ou en verre. Des os de moutons scellés dans les murs permettaient d’accrocher la vigne […] Dans le dernier siècle, on a trouvé l’invention de faire sceller dans les murailles des os de pieds de moutons pour y palisser des arbres. Cette manière n’est pas si belle que celle qui se fait avec le clou, d’autant que ces os paraissent toujours entre les feuilles. Elle n’est pas non plus commode, parce que les os ne se trouvant pas ordinairement placés fort à propos, il faut souvent forcer les branches pour les y attacher. Ceux qui veulent s’en servir, doivent les faire sceller de sorte qu’ils ne débordent la muraille que d’un bon pouce, & qu’ils soient espacés de quatre ou cinq pouces les uns des autres, afin qu’étant fort proches ils se trouvent à propos pour y attacher les branches sans les contraindre. Cette façon de palisser a cet avantage qu’elle dure long-tems, & qu’elle n’est pas de dépense à entretenir, puisqu’il ne faut que du jonc en été, & de petits osiers en hiver pour lier les branches. Dans les pays où les os de moutons sont rares et difficiles à amasser, on ne peut les mettre qu’à deux pieds les uns des autres, & y attacher de petites baguettes en forme de treille, pour y palisser dessus ; mais en ce cas il est nécessaire qu’ils débordent la muraille de deux bons pouces, afin de pouvoir plus facilement lier les baguettes. » [Extrait d’une réédition de 1775 du tome 2 de l’ouvrage de Louis LIGIER d’Auxerre, « Oeconomie générale de la campagne ou nouvelle maison rustique », Paris, 1700 (Transcription fidèle à l’orthographe et à la syntaxe du texte)] Un ouvrage que Louis LIGIER aurait abondamment tiré d’ un ouvrage rédigé  par le curé Le Gendre d’Henonville (en Normandie) au milieu du XVIIe siècle sur la manière de cultiver les arbres fruitiers.

L’os fiché à la lecture de vestiges de maçonneries rustiques

Dans la rue des soupirs à Pont-de-l’Arche

Je lis sur le site de la mairie de Ferreux-Quincey dans le département de l’Aude, qu’on peut voir ces os en saillies dans tout le pays.  Je découvre aussi que dans une ferme ancienne de Sologne, « les murs de ces bâtiments sont parsemés d’os. Os longs d’animaux placés en travers du mur lors de la construction et dépassant nettement des moellons ». Ici, on rapporte encore que “l’emploi du fer dans le scellement des agrafes qui lient les pierres de taille en parement a le grave inconvénient de faire éclater ces pierres au bout d’un très court espace de temps. Alors que les os, qui résistent à de grands efforts, ne se déforment pas et allient solidité et inaltérabilité. Ce qui permet aux pierres de parement de bien rester positionnées dans le temps.  Cette technique paraît ancienne.

Façade d’une maison au Vau Bourdonnet

À Vau Bourdonnet, dans les Côtes d’Armor, on peut voir ces os fichés sur trois murs de façades et deux murs de clôture. Il s’agit d’os de moutons ou de porcs (tibias ou fémurs) enfoncés dans les murs à distances égales de cinquante centimètres, et où, seule l’épiphyse reste saillante sur sa moitié. Ici, les constructions sont en moellons. La première rangée est placée à hauteur d’homme, et les autres rangées sont fichées sur des lignes parallèles placées à un mètre l’une de l’autre.

Dans le parc du Château à Rambouillet, la façade de “la Chaumière aux coquillages” surprend le premier venu. On y voit des fémurs de bœuf apparents sur ses façades (une douzaine de fémurs par mur).

Le mur du jardin du manoir du Fay

Dans le jardin du manoir du Fay, près d’Yvetot, en Normandie – qui encore aujourd’hui est clos de murs en silex et torchis – on distingue inclus, des os de mouton et de poulet. Ils avaient pour mission de palisser les fruitiers. À Azay-le-Brûlé  dans les Deux-Sèvres encore : des ossements de bœuf en saillie sur le parement d’un mur ont servi autrefois à l’accrochage d’une treille.

Mais aussi à Bussière-Poitevine, en Haute-Vienne, la façade de l’une des deux maisons du lieu-dit connu sous le nom de « Chez Colly », où rien n’attire le regard du visiteur de passage, sauf quelques os fichés entre les pierres du mur qui proviennent tous de l’espèce “Bos-Taurus-Li”, le bœuf. Ils sont placés de façon que leurs faces supérieures ne présentent aucune concavité susceptible de retenir l’eau de pluie mais au contraire d’en permettre son écoulement maximal.

Os fichés et aussi certaines pierres saillantes : Question d’usage

Généralement placés sur les façades ensoleillées, ces os fichés dans les murs permettaient, de retenir les plantes grimpantes, de laisser courir les glycines, le palissage des arbres fruitiers  et l’accrochage de la vigne. Ils servaient encore au séchage et dans les pays côtiers, à accrocher des filets de pêche. Ils ont été préférés aux clous et autres chevilles de bois qui rouillent, pourrissent et affectent le mur en s’érodant. Et plusieurs spécialistes le confirment : de par sa forme, l’os forme des points d’amarrages faciles (tête). De par sa structure, il résiste aux pressions (poids du mur), aux tiraillements (poids de la vigne accrochée après). De par sa composition, il offre une grande résistance au temps, ne change pas de volume et ne produit aucun dérivé au fil des ans (le métal rouille et les variations de taille parfois importantes produites par son altération font éclater la pierre. Le bois absorbe l’eau et, en pourrissant, facilite l’introduction de celle-ci dans la maçonnerie). L’os, une fois incorporé dans la construction, ne demande aucun entretien.

On dit encore, que certains de ces os fichés pourraient servir à drainer l’humidité des murs. Et que la présence d’os sur un seul côté du mur situé en limite de deux propriétés marquerait la non mitoyenneté, et pour le moins un “droit d’attache”.

 

Depuis le XIXe siècle, les démolitions et les travaux de restauration ont eu raison de ce type d’aménagement. On le constate, nous en avons même oublié la raison d’être. Mais nous pouvons penser qu’à l’époque de ces réalisations dans des régions de vignobles et de culture fruitière, le fait d’avoir une treille en façade faisait partie d’habitudes qui  imposaient la pose de points d’accrochage pour cette « couverture végétale” utile.

 

Photo à la Une et autres photos de bâtiments à Fondettes : Jean-Pierre Dubois

Autres photos via les sites : Rambouillet territoires https://www.rt78.fr/

https://memoirederquy.com/

http://cyclamenauxroses.canalblog.com/

http://pontdelarche.over-blog.com/

Sources documentaires : « Une utilisation insolite d’ossements dans l’architecture rurale. Une maison de Bussière-Poitevine (87) », D’après une note de l’historien Christian VALLET : http://www.archea.net/index.php/articles-scientifiques/ethnologiques/utilisation-insolite-d-ossements

« Un mur à os à Touquin : une production agricole portée par l’architecture vernaculaire », Dominique Robert, de la Société Archéologique de Touquin : https://sat77-archeologie.fr/2021/10/06/un-mur-a-os-a-touquin-une-production-agricole-portee-par-larchitecture-vernaculaire/

« L’énigme des pierres saillantes dans les maçonneries rustiques : l’apport de l’analyse constructive » de Christian Lassure et Catherine Ropert, 1ère parution dans L’Architecture vernaculaire, t. 8, 1984 : http://www.pierreseche.com/pierres_saillantes.htm

Et autres sources diverses sur le net concernant des lieux en France.

L'auteur : Xavier Guillon

Rédacteur en chef et en os et profiteur d’espaces, il aime l’urbain et le crie haut et fort. En secret, il rêve de nature et prend régulièrement les chemins vicinaux.

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