Dès l’entrée, je lis : Bienvenue sur le sentier de l’Espace Naturel Sensible du Val de Choisille. J’entre donc dans ce “sentier urbain” qui – est-il rappelé – est une zone naturelle exceptionnelle et inattendue nichée au cœur de l’agglomération de Tours.
Entre Fondettes et Saint-Cyr sur Loire, je marche en bordure d’un boulevard périphérique – une autoroute qui permet de contourner la ville de Tours au plus vite – et pourtant, je n’en ai pas la moindre sensation. Tout ici éloigne du brouhaha de la ville ; peut-être pas de tous les bruits, mais de ceux surtout qui constatent le mouvement, qui enregistrent le frein, l’accélération. Là où je suis, il ne reste plus que le murmure d’une urbanité en suspens.
Je marche dans un lieu de mouvement…
Là où je marche : des prairies humides, des mares, des noues… des haies champêtres, des petits bois, la rivière. Je suis dans une zone tampon qui permet d’accueillir les surplus d’eau et aussi d’assurer un soutien d’étiage en période estivale. Alors évidemment, à ces mouvements d’eau, s’ajoute toute une biodiversité typée. Je suis dans les prairies humides de la Moisandière qui sont traversées par la Choisille et ses biefs ; je suis aussi dans ce que l’on appelle un corridor écologique, une de ces bandes de terre qui permet aux insectes et aux plus gros animaux de se déplacer et même de s’y reposer. Je suis donc dans un lieu de passage, dans un lieu de mouvement, de migration. Et tout cela se voit, se ressent, s’entend, se sent ; tout cela s’écoute. C’est surprenant.
… Là où l’eau joue le rôle principal
Au pied d’une voie rapide, je marche dans l’un des sentiers de l’Espace Naturel Sensible du Val de Choisille ; et je le ressens parfaitement. J’entends les oiseaux, les insectes et quelques mammifères ; je remarque des petits rongeurs, des ragondins et même des castors. Un peu plus loin des canards se baignent ; des hérons se reposent, des aigrettes pêchent. Je reste encore un peu plus à apprécier la rivière pour tenter de voir passer quelques poissons, car je sais qu’il y en a beaucoup ; ici, tout est bon pour l’épanouissement de la biodiversité : une ripisylve bien présente en bordure des cours d’eau, des encombres, des radiers, des fosses, des zones humides et d’autres plus sèches, des zones ombragées et d’autres ensoleillées. Là où je viens de m’arrêter, sur un des panneaux informatifs, je lis que je suis dans le marais de Palluau, une zone humide où la nappe alluviale est affleurante et où l’eau joue le rôle principal. La flore, je n’en ai pas parlé encore, elle est tout simplement présente : ici on fréquente les chardons, les orchidées, la Reine des prés, le Pigamon jaune, la grande Consoude, la Tulipe sylvestre, des hydrophytes, des hélophytes comme la Massette, les joncs, les roseaux, les iris…
… Là où Carbon Shelter s’est invité
Et le temps s’est organisé, comme il sait bien le faire, jusqu’au début de l’année 2019 où Carbon Shelter (1), “un phare, une porte, une falaise, un monolithe” – peut-on lire dans le magazine #entouraine du Conseil Départemental d’Indre et Loire – est installé par l’artiste François-Xavier Chanioux comme une interpellation sur la place de la nature en ville ainsi que sur le devenir de la biodiversité. Fallait-il installer cet amer (2) pour nous rendre plus sensibles au lieu ? Peut-être que oui. Car simplement, un amer est une borne qui marque la limite ; alors ce monolithe devient une trace qui, comme l’écrit Thomas Lejeune sur le site de l’artiste, “se dresse au cœur du Val Choisille tel une tache aveugle, un obstacle sur lequel vient buter l’œil. Sombre, insondable monolithe, il est comme un jalon rappelant notre empreinte à travers les âges. Notre empreinte sur la nature”. Au minimum, c’est une œuvre pensée par l’artiste comme un espace protecteur, confiné, chaleureux et accueillant pour les animaux venant nicher ou s’abriter ; c’est une falaise aussi, le front de taille d’une carrière. Ici s’installent des oiseaux et des chauves-souris ; c’est une contribution de l’homme. Carbon Shelter est là, en Val de Choisille, sur un site pensé de 153 hectares qui accueille, disent les spécialistes, 235 espèces animales et 482 espèces végétales. L’œuvre est là comme preuve d’une invention.
Moi, j’ai emprunté ce sentier d’une dizaine de kilomètres, et j’ai bien cru avoir respiré la nature à pleins poumons dans un “site authentique” fréquenté aussi par les moutons et les ânes. J’ai lu encore sur un panneau : sentier d’interprétation. J’ai bien compris l’idée. Il faut venir ici pour chercher à se perdre dans d’autres possibles ; c’est beau !
(2) Amer : du néerlandais merk (limite) ; un mot que l’on retrouve aussi dans le picard merc (borne) et qui serait lui-même emprunté au vieil islandais merki (marquer).
Voir la présentation vidéo réalisée pour le département d’Indre-et-Loire : https://vimeo.com/318797676
Tours Métropole Val de Loire – Sentier urbain / Sentier Val de Choisille
Situé au nord-ouest de Tours sur les communes de Fondettes, Saint-Cyr-sur-Loire et La Membrolle-sur-Choisille, le site du Val de Choisille est parcouru par la rivière de la Choisille et ses biefs (canaux). Cette zone naturelle abrite une grande biodiversité. Quelques pas suffisent pour passer des marais et prairies humides aux boisements puis aux coteaux escarpés qui dominent la vallée. Cette mosaïque d’habitats accueille une flore et une faune diversifiées tout au long de l’année.
Avec les photos de Xavier Guillon – sauf le détail de l’œuvre qui est une photo de François-Xavier Chanioux