En périphérie de Dunkerque, Grande-Synthe est maintenant une ville de plus de 23 000 habitants. Au début des années 60 elle n’était qu’un village. Au rythme des caprices du grand capital, des industries s’y sont installées, puis en sont reparties, la condamnant de fait à l’oubli. Pourtant, déjà en 1995 et même bien avant, la ville choisit d’être une “ville du futur”, une ville verte. C’est ce qui fait parler d’elle encore actuellement, même si aujourd’hui, les principales actualités concernant la ville rapportent plutôt que son maire, Damien Carême, avec l’appui de sa population, accueille les migrants.
Alors, lorsqu’on lit sur le site de la ville, qu’en 2010, Grande-Synthe s’illustre en mettant en place une réflexion globale en termes de biodiversité et de gestion des espaces verts via l’élaboration d’un « cadastre vert » à l’échelle intercommunale, nous n’en sommes pas surpris. Et moins encore que cette réflexion a été lancée en 1995 par les jardiniers municipaux.
La ville est un verger
Mais ce n’est pas tout ; cette politique de la ville s’est construite par étapes. Depuis déjà plus de 40 ans (et oui, le père de Damien Carême a été lui aussi maire de la ville de 1971 à 1992), la municipalité s’est attachée à porter la même attention à tous les quartiers, au point qu’aujourd’hui 95 % des Grand-Synthois habitent à moins de 300 mètres d’un espace vert et que chacun d’eux bénéficie de 127 m2 d’espace vert. La ville a son parc de 130 hectares en limite de la commune, avec son lac, son bois et même son verger et ses 160 variétés de fruits qui attendent d’être cueillis par les habitants. Tout un travail qui a été mené avec le centre régional des ressources génétiques du Nord-Pas-de-Calais pour réimplanter des variétés locales et aussi pour avoir des fruits toute l’année, comme les paysans d’ici (et même d’ailleurs) savaient le faire ; “imaginez que certains cerisiers du Boulonnais produisent des fruits juste avant Noël” commente Damien Carême. Alors, dans cette grande nature qu’est devenue la ville, bien sûr les habitants cueillent aussi des champignons, apprennent à faire des boutures, des greffes, se forment aux gestes de la culture, viennent remplir leurs paniers de pommes, de poires, de mûres, de groseilles, de coings, de châtaignes, respirent la forêt comestible, pêchent encore…
Du vert, et des pâturages…
Aujourd’hui, les paysans des environs viennent même faire paître leurs troupeaux dans les espaces verts de la ville qui sont devenus en quelque sorte des “communaux” modernes. Et “cela n’a coûté à la commune que le prix d’installation de clôtures et d’abreuvoirs”, rappelle le maire. “Aujourd’hui, ajoute l’élu, des moutons boulonnais, d’Ouessant et du Shropshire désherbent nos prairies urbaines en se régalant tout l’été. Ils entretiennent au moins dix hectares de zone verte à la belle saison. Des vaches de race rouge flamande régénèrent aussi nos terrains. Cela nous a permis de redéployer ailleurs les jardiniers qui devaient entretenir ces vastes espaces (…) Sans compter qu’en agissant ainsi, nous donnons un coup de main aux éleveurs qui nourrissent leurs animaux tout l’été gratuitement.”
Grande-Synthe, une ville au centre du paysage
En 2010, Grande-Synthe s’illustre en mettant en place une réflexion globale en termes de biodiversité et de gestion des espaces verts via l’élaboration d’un « cadastre vert » à l’échelle intercommunale. Elle devient même lauréate dans la catégorie des « Villes de 10.000 à 30.000 habitants » lors de la première édition du Concours Capitale française de la Biodiversité organisé par Natureparif (Agence régionale pour la nature et la biodiversité) qui récompense les collectivités exemplaires en matière de protection et de restauration de la biodiversité. De projet en projet, de plantation en plantation, la ville est de plus en plus verte. Elle possède même la plus grande Réserve Naturelle Régionale avec ses deux poumons naturels de “Puythouck” (qui signifie “mare à grenouilles” en flamand) et du “Prédembourg”, une barrière anti-bruit de 85 hectares plantée de 160 000 arbres qui masque aussi la zone industrielle ; deux réalisations encore récompensées par l’obtention d’un prix national de l’arbre, en 1992 pour le “Puythouck” et en 2005 pour le “Prédembourg”. S’ajoutent à tout cela des carrés de jardins aux pieds des immeubles, des trottoirs végétalisés et gourmands, et bien sûr depuis de longue date, des jardins ouvriers (il y en a 600 en bordure de la ville). Au-delà d’une simple gestion des espaces verts, s’est même ajoutée une meilleure façon de profiter des canaux qui traversent la ville et qui sont devenus de véritables corridors écologiques. Dans cette ville, on vit dans des prairies urbaines, dans la forêt, au bord de l’eau… on est surtout prêt à apprendre à construire autrement.
Tout cela pour que sur le site de la ville, on puisse écrire : “Se promener à Grande-Synthe, c’est voyager dans des paysages”. Et qu’on puisse même y lire que l’on y recense aujourd’hui près de 600 plantes différentes, soit la moitié de la diversité régionale. Que la ville est constituée d’une population venue des bassins de l’Est et du Nord en déclin mais aussi des pays méditerranéens, faisant de Grande-Synthe une terre de rencontre des cultures et de métissage”. Et que bien sûr, tout cela est vrai !
Illustrations : ©Ville de Grande-Synthe
Découvrir la ville de Grande-Synthe : http://www.ville-grande-synthe.fr/
On ne peut rien contre la volonté d’un homme – Damien Carême avec Maryline Baumard – Édition Stock / 2017
« À la résignation qui affecte tant notre société, Damien Carême préfère l’action et la mobilisation, à la seule ambition il ajoute ses convictions, au cynisme il oppose l’humanisme, aux conventions il privilégie l’imagination et l’expérimentation. Vu de Paris, le camp des migrants était un problème ; vu de Grande-Synthe, il était juste la solution. » Nicolas Hulot