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Le bâtiment – quai de Brazza à Bordeaux en 2010

L’état des lieux du Photographe Denis Thomas

J’ai, il y a quelque temps écrit, à propos d’une des photos de Denis Thomas, que je pouvais y lire trois temps qui s’interposent et s’ajoutent ; que J’avais devant moi, dans l’ordre que je pouvais choisir, un futur, un présent et un passé ; et que j’étais même en présence d’un équilibre qui aimerait s’affranchir d’un avenir trop prévisible. Je remarquais tout cela dans cette photo. Là, il s’agit d’une série dont chaque photo participe à l’ensemble. Pourtant, le parti pris est le même ; c’est un travail de photographe reporter qui s’est donné pour mission de saisir les séquences d’une actualité urbaine.

Il ne fait pas encore tout à fait jour lorsque le photographe Denis Thomas s’installe sur le chantier afin d’enregistrer l’événement. Après avoir pris ses premières mesures, et ajusté la distance, il a enfoncé son clou de repérage, et s’est installé avec son appareil “porté à bout de bras et non pas sur un trépied” – précise le photographe – comme s’il s’agissait d’une intervention destinée à mesurer le rythme de la démolition qui va bientôt commencer ; de cette démolition mécanique.

La LOURDE question du rapport de l’homme à la machine…

Je suis là, moi humain observateur, face à l’événement…

Et lorsque Denis Thomas évoque le pourquoi de sa présence, il dit : “ Je suis là, moi humain observateur, face à l’événement – Le site, le lieu, le lieu en action – et je réagis” ; et ces mots commentent simplement sa façon d’être dans l’action. Pourtant, il n’y a aucune légèreté, ni aucune obscénité dans sa façon d’enregistrer “l’accident” ; il le précise : “JE porte dans mon travail – qui est photographique – la LOURDE question, trop souvent éludée, ou mise de côté, du rapport de l’Homme à la Machine”. Il ajoute : “le JE a ici toute son importance ; ce n’est pas la machine qui m’entraîne ; c’est MOI qui porte la machine et qui voit”.

Le photographe, face à l’événement exprime plus fortement l’effacement

En résultat, c’est une suite de photos prises à intervalles aléatoires que le photographe enregistre, pour capturer l’événement, même si le tout est écrit dans un “laps de temps” qui comprend “tout le temps” de la démolition ; dans un espace de temps qui n’est surtout pas saisi comme l’aurait fait un time-lapse qui lui est “conçu-pensé-fabriqué-en-usine”. Le photographe est là in situ ; il est face à l’événement – le site, le lieu, le lieu en action – il observe ; il réagit et le rythme de ses prises de vues est juste guidé par ce qu’il perçoit du site, du lieu, du lieu en devenir. “L’intervallomètre”, lui, a été réglé  pour finalement exprimer plus fortement l’effacement du paysage. La série de photos qui enregistre la démolition rend alors plus difficile l’acceptation du projet de nivellement.

C’est à la quatre-vingt-onzième pause que l’on considère une nouvelle réalité ; l’immeuble n’est plus ; ce qui est autour a pris plus d’importance ; et c’est tout cela qui est remarquable. C’est aussi par ces quatre-vingt-onze arrêts sur image que l’on comprend que cette disparition ne peut être que fatale et même inévitable ; on voit bien déjà dans les premières images, qu’il sera impossible de revenir en arrière.

… à la quatre-vingt-onzième pause, une nouvelle réalité.

Voir la capture de l’événement sur le site du photographe : https://www.denisthomas.fr/photographie/architecture/amylum/la-deconstruction-du-paysage/

Se faire une idée du lieu “avant” la déconstruction : https://www.denisthomas.fr/photographie/architecture/amylum/le-paysage-monumental/

 

L'auteur : Xavier Guillon

Rédacteur en chef et en os et profiteur d’espaces, il aime l’urbain et le crie haut et fort. En secret, il rêve de nature et prend régulièrement les chemins vicinaux.

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