Mosaïque par ci, mosaïque par-là… Pour Raymond Isidore, les petits carreaux se cassent, s’organisent, s’assemblent et se collent. Dans sa quête de redonner un nouveau sens aux déchets, il a composé son quotidien tout en couleurs.
Le 24 décembre 1929, Raymond Isidore, balayeur au cimetière de la ville, achète une parcelle de terre dans le quartier des Hauts de Chartres, rue des Rouliers, pour y construire sa maison. En fait une simple maisonnette sans étage et sans confort, pour lui, Adrienne sa femme et les deux garçons de celle-ci.
Commence alors l’œuvre d’une vie. Raymond détourne et embellit l’insignifiant. Chaque jour, il remplit sa brouette de débris abandonnés, ornemente sa maison et son jardin et devient pour ses voisins « le Picasso de l’assiette », « Monsieur Picassiette ».
« J’ai suivi mon esprit comme on suit son chemin. Avant de venir à mon chantier, je faisais souvent plusieurs kilomètres à pied pour rechercher ma matière première, les débris d’assiettes, des fonds de bouteilles ou d’eau de Cologne, des flacons de pharmacie ; tout ce que les gens dédaignent et rejettent dans les carrières et les dépotoirs et qui peut encore servir. Je suis allé chercher partout ce qu’on ne voulait plus utiliser. »
Des rêves d’enfants plein la tête, il aura fallu à l’artiste une vie pleine pour que la magie d’un assemblage de morceaux de faïence multiformes épanouisse son espace intime, ouvert sur les voisins et sur la place.En 1983, la Maison Picassiette est classée Monument Historique. Encore aujourd’hui, l’architecte – jardinier – mosaïste, monsieur Picassiette, vit toujours dans son tableau ! En racontant son œuvre, il casse l’idée reçue : « Beaucoup de gens pourraient en faire autant, mais non : ils n’osent pas. Moi, j’ai pris mes mains et elles m’ont rendu heureux ».
Avec les photos de Christophe Ledréau