Le centre culturel de São Paulo a été construit sur une langue de terrain mise à disposition suite à des expropriations survenues lors de l’arrivée du métro dans la zone, sur “un délaissé jusque-là occupé par des baraques de chantier”.
“C’est donc involontairement que le futur CCSP se retrouvera in fine véritablement au cœur des réseaux. L’accessibilité représente son premier effacement : celui de la distance entre les accès au métro de la station Vergueiro et le centre culturel, qui absorbe, par son étirement sur le site, la station elle-même”, nous dit l’architecte Dominique Rouillard qui (entre autre) dirige le Laboratoire Infrastructure Architecture Territoire (LIAT) à l’ENSA Paris-Malaquais.
Comment faire de l’architecture effacée…
À son propos, l’architecte écrit dans Politique des infrastructures : [Il fallait] “une bibliothèque certes, puisque le directeur de la bibliothèque centrale de la ville fait pression pour obtenir son agrandissement, mais alors au sein d’un édifice discret et modeste [Ce qui fait que dans ce projet] l’effacement de la monumentalité et de la présence formelle constitue un mécanisme rare”.
“À l’extérieur, la bibliothèque se présente comme une large dalle flottante, prise dans la végétation originelle du site. Mais elle reste perchée et maintenue par de très vastes porte-à-faux, répondant, à l’intérieur, à une impressionnante double structure de poutres en diagonales, libérant, comme il se doit dans la mythologie du grand espace, un impressionnant volume sans point d’appui porteur”.
En créant une monumentalité intérieure ou plus exactement parcourue
Autrement dit, comment transformer le geste et s’inventer comme image ? En créant “une monumentalité intérieure ou plus exactement parcourue (…) À l’intérieur, le projet se nourrit de l’imaginaire de la route et des flux, avec le principe générique des rampes et le concept réactualisé de « rue intérieure ». Les rampes, qui relient et s’articulent entre elles, deviennent la figure architecturale dominante. Elles « précipitent » vers l’intérieur constituant une invite. On peut les voir également comme des fragments de « piazza », placées ici aux « embouchures » du centre. Elles participent à l’élaboration d’un vaste espace parcouru de lignes de circulation. Elles s’apparentent à un réseau complexe de voies surélevées, fait de « nœuds » de croisements et de bifurcations. On passe indistinctement d’une pratique à une autre”. La rue est la clé.
Les rampes de sortie et d’accès ne donnent rien à voir de la ville ; le site est un paysage urbain des plus génériques qui n’offre aucune raison pour la contemplation (nous dit Telle). Alors, grâce aux rampes d’accès la rue se voit « couler » à l’intérieur. On peut même s’assoir, se réunir, s’installer quelques instants « entre la rue extérieure et la rue intérieure ». “Les rampes menant jusqu’au trottoir effacent les limites avec la ville. Tout en étant replié, caché sur ses intérieurs, le CCSP déborde de ses indéfinissables frontières”.
Effacez tout ! Le Centre culturel de São Paulo, un article de Dominique Rouillard, In POLITIQUE DES INFRASTRUCTURES – Permanence, effacement, disparition / sous la direction de Dominique ROUILLARD / ouvrage édité chez MétisPresses – janvier 2018
La photo à la une, de Eduardo Rutison / Les autres photos : Centro Cultural São Paulo (Centre Culturel São Paulo)