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Les plans du photographe Daniel Boudinet

C’est très certainement en premier lieu, le regard du photographe “scénographe” Daniel Boudinet qui m’intéresse ; mais s’ajoute à cela la poétique du “photographe-promeneur” que j’entends si bien ; celle engagée par un observateur, qui aime marcher la nuit dans les rues à des heures plus que tardives, dans ces moments où chaque bruit est en résonnance.

Avec le photographe Daniel Boudinet, chaque photo est un décor où tout est “en-cadré” pour que s’expriment parfaitement l’espace, la distance et les limites. Ses scènes sont libérées de tout bruit inutile ; dans aucune de ses photos, le superflu est là.

Daniel Boudinet, metteur en scène

Bien qu’il ait produit l’essentiel de son travail en noir et blanc, c’est pourtant dans les nocturnes en couleur de Daniel Boudinet que je rencontre de possibles passages dans la ville, des rues qui, à la lumière des candélabres, deviennent pendant quelques heures plus intimes, et même des lieux de rendez-vous.

Grâce à la mise en scène du photographe, je suis dans l’espace même de ces constructions qui sont devenus les décors d’un théâtre ; et je sens bien que la couleur est un choix qui permet à l’artiste d’écrire ses plans, qu’au-delà de la géométrie, la touche de couleur qu’il sait placer pour mieux nous interpeller, est là aussi pour effacer d’indiscutables rigueurs.

Daniel Boudinet, inventeur de compositions

Dans la présentation qui est faite à l’occasion de l’exposition “Le temps de la couleur”, mise en place par “Le Jeu de Paume” en 2018, je lis : “agissant comme un peintre, Daniel Boudinet se sert des couleurs pour créer ses compositions. Ce ne sont plus de simples informations qui se surimposent à un cadrage. Ce sont elles qui guident l’œil”. Mais surtout, les très longs temps de pose feront l’essentiel ; ils seront là pour densifier les couleurs retenues et pour éliminer toutes traces de mouvement. “Ces espaces où le temps semble suspendu, visent à arrêter le regard.

autoportrait

Daniel Boudinet : Né en 1945, à Paris ; décédé en 1990, à Paris

L’œuvre de Daniel Boudinet est polymorphe. Portraitiste (d’acteurs ou d’écrivains), il sillonne aussi Paris – sur lequel il publie son premier ouvrage Bagdad-sur-Seine, chez Arthème Fayard, en 1973 -, et voyage en Algérie, en Asie et au Moyen-Orient, d’où il rapporte des images noir et blanc mais surtout en couleur.

Il commence sa carrière au début des années 1970. Le noir et blanc reste de mise, notamment grâce aux effets esthétiques qu’il permet. Rapidement il va pratiquer la couleur, jusque-là réservée soit à une pratique familiale et amateur, soit à la photographie d’auteur. La ville et son architecture, soulignée et sublimée par les lumières artificielles de la nuit, deviennent ses sujets de prédilection, lui permettant de retrouver alors, par son utilisation de la couleur, son métier premier de décorateur.

Sa grande compréhension de l’architecture et des jeux que celle-ci peut créer avec la lumière l’amène à travailler, dès 1982, entre autres pour Philippe Duboy, historien de l’architecture, produisant de remarquables prises de vue à la Tombe Brion de Carlo Scarpa près de Venise, pour l’Institut français d’architecture, pour la Caisse nationale des Monuments historiques et des sites pour laquelle il photographie le Panthéon, tandis qu’une démarche plus personnelle menée à Bomarzo, jardin d’un humaniste de la Renaissance, avait abouti, en 1977, à la publication d’un ouvrage éponyme accompagné d’un texte de René Fouque. Patrimoniaux ou contemporains, les monuments y apparaissent dans leurs détails, symboles d’une présence humaine mais sans trace de vie.

En savoir plus sur le photographe :http://www.mediatheque-patrimoine.culture.gouv.fr/fr/archives_photo/visites_guidees/boudinet.html

 

L'auteur : Xavier Guillon

Rédacteur en chef et en os et profiteur d’espaces, il aime l’urbain et le crie haut et fort. En secret, il rêve de nature et prend régulièrement les chemins vicinaux.

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