Lorsqu’en 2006, la papeterie d’Uzerche ferme ses portes, La ville pense à la création d’un nouveau quartier qui s’écrirait dans les pages de l’histoire du lieu. Dans ce projet urbain, une priorité d’abord, un musée devra s’installer dans les anciens locaux industriels. Pas n’importe quel musée, un conservatoire de peintures murales, un lieu d’expositions temporaires, un espace historique d’interprétation visant à présenter conjointement l’histoire du site de la papeterie et de la ville d’Uzerche, mais aussi une galerie d’art, dédiée dès l’ouverture à l’artiste Henri Cueco, peintre, mais aussi poète et écrivain.
La marque du papier Vézère
Et oui, le peintre Henri Cueco est un enfant d’Uzerche, amoureux à tel titre de sa région natale qu’il utilise comme principal support le papier du pays. Oui, on peut dire que tout se tient dans le projet de la ville et comme on le lit sur le site de la Galerie SR (*) : “ Tout se tient d’autant plus, et jusqu’au bout, que ce lieu au nom étrange où les œuvres de l’artiste sont exposées, la Papeterie, est une ancienne usine qui fabriquait notamment ce papier que Cueco nomma Vézère. Comment être plus en osmose en ce lieu que cet homme avec ce papier, cette usine et cette ville ? Même absent, son âme flotte en ces salles d’expositions, sa présence est bien là.”
En usage de la mémoire
En 2007, le projet se construit déjà dans les grandes lignes. L’architecte Jean-Michel Wilmotte et le paysagiste Gilles Clément prennent en charge son écriture. Elle sera très lisible. Pour J-M. Wilmotte, “les enjeux du projet se situent dans la réussite du dialogue avec le cœur historique de la ville et dans la création d’une signature architecturale respectueuse du site et de son histoire”. Dans une de ses notes informatives l’ATELIER NOVEMBRE ayant également participé au projet d’architecture en résume l’esprit. “Intervenir sur le site de la Papeterie, c’est prendre en compte la singulière configuration géographique et morphologique des lieux, c’est « user » de la mémoire comme compréhension de la ville, de l’édifice, d’une activité. C’est comprendre le paysage et le retranscrire, en respectant les diverses lectures et interprétations qui peuvent en être faites. Ce n’est pas une visite qui doit être proposée aux visiteurs mais une découverte, une balade, reposant sur l’itinérance. C’est en relation avec l’ensemble de ces données qu’il est possible d’envisager une visite vivante, basée sur des rythmes variés, des regards multiples et croisés ouverts sur le site lui-même et sur d’autres lieux.” Et ça marche.
Espaces de transitions
En résultat la lecture est facile. Elle est en parfait accord avec la notice paysagère écrite par les architectes. Gilles Clément et son équipe (l’équipe : voir note en fin d’article) feront le reste : la mise en paysage du site et sa mise en tonalité avec les reliefs et les particularités locales. Ils ajouteront à “l’espace de transition et de repos ponctué de bassins en référence au passé du bâtiment“, un jardin donnant sur “l’auditorium qui s’ouvre sur la place”. En 2014, l’Espace mémoire de la Papeterie d’Uzerche est inauguré. Il abrite l’ancienne machine à fabriquer le papier qui est conservée comme “élément de mémoire” et qui participe à l’organisation poétique du cheminement. Au centre du site, un espace de verre est en suspension. Il est le point de “jonction des différents éléments programmatiques” (le musée, l’espace mémoire, l’auditorium, les ateliers, la cafétéria…). Symbole encore d’un lien puissant entre le quartier, les hommes et l’usine, La Passerelle a été dessinée par l’architecte Wilmotte. Il l’a voulue lourde et solide. Il l’a fait dresser par un ferronnier. En 2015, c’est au tour de l’auditorium d’être construit pour ouvrir plus grand la scène au monde des arts et de la culture.
De passerelles en coursives la Papeterie n’est pas que mémoire. Elle nous entraîne aussi dans d’autres chemins. Il reste peut-être une dernière touche à apporter en prolongement pour la mise en paysage d’une place. Les bancs imaginés par Alain Niepceron de “l’Atelier des 3” qui devront participer au souvenir du labeur local d’hier ; dès sa première visite, le ferronnier constate que les traces de l’industrie papetière “restent encore une problématique dans la ville”. Sa réponse est en écho. L’ossature des bancs seront des poutrelles UPE en évocation de l’usine et du travail. Les assises seront traitées en bois de robinier. C’est pour Alain Niepceron “une illustration végétale du paysage local”.
Photos : Agence Wilmotte et Associés / Atelier Novembre / Atelier des 3