Après avoir enseigné les matériaux, leur apparence et leur représentation au Bauhaus, jusqu’en 1933, Josef Albers quitte l’Allemagne pour les Etats-Unis. Depuis les années 1940, l’orientation principale de son enseignement et de sa peinture se focalise sur l’« effet optique de la couleur », sur l’éducation du voir qui implique la vision interprétative. La “fondation d’une didactique de la vision”, comme il était sous-titré dans l’édition allemande de l’ouvrage.
La note de l’éditeur
Depuis plus de cinquante ans (l’ouvrage paru en 1963) a été traduit en français qu’en 1974, “Interaction of Color” a eu de très nombreux lecteurs, dont il a indéniablement modifié la vie, partout dans le monde. Il a amélioré la manière dont les couleurs sont utilisées et perçues dans l’art, l’architecture, le textile, l’architecture intérieure et les supports graphiques.
Longtemps pourtant Albers, avec ses amis, a suscité la polémique, au Bauhaus, au Black Mountain College. Plus tard, en 1950, lorsqu’il commença son “Homages to the Square”, on se moqua de lui. Vingt ans après, quand il fut le premier artiste vivant auquel fut consacrée une exposition individuelle au Metropolitan Museum of Art, le travail que des critiques comme Clement Greenberg avaient éreinté fut finalement reconnu en raison de son ingénuité, de son intégrité et de sa beauté globale L’approche d’Albers était novatrice en ce sens qu’elle mettait en avant l’expérimentation. Elle remettait en cause les notions traditionnelles du goût. Avant tout, ce qu’Albers avait voulu démontrer c’est que, « avec la couleur, nous ne voyons pas ce que nous voyons, parce que la couleur – le plus relatif des moyens d’expression artistique – offre un nombre incalculable de visages ou d’apparences. Les étudier dans leurs interactions respectives, dans leurs interdépendances, enrichira notre « vision », du monde, et de nous-mêmes. »
Cet ouvrage est le compte rendu d’une méthode d’étude expérimentale et d’enseignement de la couleur. « Dans sa perception visuelle une couleur n’est presque jamais vue telle qu’elle est réellement – telle qu’elle est physiquement. Cette constatation fait de la couleur le moyen d’expression artistique le plus relatif. Pour utiliser efficacement les couleurs il est indispensable d’admettre que la couleur trompe continuellement. À cet effet, il ne faut pas commencer par étudier les systèmes de couleurs préétablis. Il faut d’abord apprendre qu’une seule et même couleur appelle des lectures innombrables. Au lieu d’appliquer mécaniquement ou de simplement sous-entendre des lois et des règles d’harmonie, on produit des effets de couleur distincts – en admettant l’interaction des couleurs – en obtenant, par exemple, que 2 couleurs différentes aient l’air identiques, ou presque. »
« Le but de ce type d’étude, notait-il, consiste à développer – par l’expérience – à force de tâtonnements – une capacité de voir la couleur. Cela signifie, précisément, voir l’action de la couleur aussi bien que ressentir les relations de couleur. « En tant qu’exercice à portée générale, cela signifie le développement des facultés d’observation et d’articulation. » Cet ouvrage n’obéit par conséquent pas à la conception universitaire de « la théorie et de la pratique. » Il inverse cet ordre et situe la pratique avant la théorie, laquelle après tout est la conclusion de la pratique. »
Éditions Hazan /Année d’édition : 2008