Raymond Depardon est cinéaste et photographe. A côté de son travail de reporter, il a réalisé de nombreux projets personnels. Errance est l’un d’eux, exposé et publié sous forme d’un livre.
Pour lui, l’errance n’est ni le voyage ni la promenade mais cette expérience du monde qui renvoie à une question essentielle : qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi être ici plutôt qu’ailleurs ? Comment vivre le plus longtemps possible dans le présent ? Comment se regarder, s’accepter ? Quel est la qualité de mon regard ? Le réel est tellement éphémère…
Au gré de ses voyages, sans projets ni destinations établies à l’avance, Raymond Depardon se laisse surprendre par la beauté du monde, s’affranchit des règles classiques de la photographie pour témoigner de son aventure intérieure. De l’Amérique au Japon, à travers les steppes et les déserts, il immortalise ces lieux de solitude suspendus dans un présent qui semble éternel. Errance est une série de photos en noir et blanc, accompagnées d’un texte décrivant la démarche de l’auteur. D’une grande homogénéité entre elles, les photos montrent des lieux vides, avec tout au plus une présence humaine lointaine (une silhouette à peine visible) ou une voiture qui passe.
Dans Errance, Depardon a presque systématiquement pris le contrepied des règles habituellement observées : d’abord, il choisit un cadrage vertical bien qu’il s’agisse de paysages, ses lignes d’horizon sont presque systématiquement au milieu de la photo (exit la règle des tiers), le sujet est centré dans l’image. Même lorsque quelque chose est placé sur l’un des points forts de l’image (une silhouette, une voiture), l’œil revient très rapidement au centre de l’image pour découvrir le vrai sujet principal : un pylône, un panneau de signalisation, etc. Enfin, il n’y a aucune action dans ces images. Ce sont des paysages « endormis », immuables, figés dans le temps.
Aux éditions Seuils (collection Points) / avril 2004