[Géographie sociale] C’est semble-t-il dans les années 70 que les géographes ont commencé à emprunter de façon assez régulière le terme de territorialité aux éthologues ; c’est le moment du “vivre et travailler au pays”, celui des mouvements régionaux… Aujourd’hui encore, tout le monde parle du “territoire”, le mot reste à la mode.
La plupart des travaux qui sont consacrés au territoire l’enferment pourtant à l’intérieur de frontières trop étroites, restrictives et dangereuses : celles des pouvoirs, des institutions politiques qui cherchent à se légitimer par l’aménagement, le développement et le discours identitaire. Pourtant, les citoyens ordinaires vivent au rythme de territorialités bien différentes. C’est à la recherche de celles-ci que s’attache cet ouvrage. Il met l’accent sur les itinéraires, les cheminements au fil desquels chacun de nous invente le territoire en reproduisant les modèles culturels que nourrit la mémoire collective, en se pliant aux contraintes de l’économie et des cadres socio-politiques, mais en rusant aussi avec eux. Loin d’être uniquement théorique, ce livre se réfère constamment à la réalité concrète et têtue de régions bien vivantes du Sud-Ouest de la France.
« La géographie a du mal (…) à donner un sens précis et opératoire à ce concept [ de territorialité ] . C’est compréhensible, car il s’agit de réunir dans la notion de territorialité (des individus) les deux approches, les deux visions de la société si souvent présentées comme contradictoires : le global et le local des géographes, le sociétal et l’individuel des sociologues, le privé et le public, le matériel et l’idéel, l’objectif et le subjectif… S’interroger sur les processus par lesquels les individus se territorialisent en territorialisant l’espace, prennent en compte les faits institutionnels, c’est entrer dans le champ d’observation et d’analyse qui met en relation permanente la sphère privée et la sphère publique, qui interdit de gommer les différences sociales, car l’usage différencié de l’espace est bien l’un des traits majeurs de la distinction sociale » lit-on à la page 28.
Édition : L’Harmattan / 1996
Réalisé sous la direction de Guy Di Meo, Les territoires du quotidien est l’œuvre d’une équipe de géographes étudiant les médiations environnementales et territoriales qui singularisent les rapports sociaux. Ce groupe de chercheurs appartient au SET (Société, Environnement, Territoire) Unité Mixte de Recherche 5603 de l’université de Pau et du Centre national de la Recherche scientifique.
Avec les articles de : Manuel Anglade / Laurence Barnèche-Miqueu / Guy Di Meo / Franck Guérit / Jacky Pradet / Frédéric Tesson / Philippe Tizon
Monique Morales pour la cartographie / Raymond Badel et Françoise Puissegur pour la composition
Illustration à la une : Vue sur la ville de la Chaux-de-Fonds en Suisse – origine image : sur le blog Gigolette influente – “Dans Ainsi Fonds… Découverte de La Chaux-de-Fonds”, un article de Shalf