Il serait possible de parler longuement du travail du photographe Lewis Baltz ; ce qui pourtant est le plus marquant, c’est son “travail topographique” qu’il commence dans les années 70, comme si le photographe voulait vite enregistrer des paysages qui se transformeraient à trop grande vitesse.
“Je suis né, dit Lewis Baltz, dans une région dont l’urbanisation fut la plus rapide du monde, la Californie du Sud, dans la période de l’après-guerre. Les choses changeaient à vue, c’était stupéfiant. Un monde était en train de naître, sans doute pas un monde très agréable, mais un monde qui était ce nouvel environnement américain, homogénéisé, qui se répandait dans tout le pays, et allait bientôt s’exporter partout.” Et pour mieux comprendre encore son œuvre, il faut rappeler que Lewis Baltz est né en septembre 1945 à Newport Beach aux États-Unis et qu’il est mort en novembre 2014 à Paris.
Lewis Baltz enregistre les “paysages devenus”
Ce qui est remarquable dans ses photos de paysages, ce qui nous frappe, c’est cette “violence destructrice des interventions humaines sur le paysage, qui se trouve complètement défiguré” écrit Danièle Méaux (1), professeur à l’université de Saint-Etienne, spécialiste de la photographie contemporaine, qui ajoute “Cet espace tourmenté, chamboulé et meurtri, paraît dès lors tout à la fois très concret et mental. Il revêt une allure quasiment métaphysique, amenant le spectateur à une forme de sidération face au désastre mis en images”. Ses photos, racontent “des paysages devenus”.
Lewis Baltz photographie les sols “justes abandonnés”
Ce qui est remarquable encore, c’est l’intérêt du photographe pour les sols abandonnés, ou plus exactement “justes abandonnés”, lorsque la végétation ne s’est pas encore parfaitement réinstallée et qu’il reste même quelques vestiges de l’espace anciennement occupé. Là encore je n’ai pas besoin d’insister ; il me suffit de reprendre les propos de Danièle Méaux qui écrit lorsqu’elle évoque les clichés de la série San Quentin Point : “L’ensemble des photographies de Lewis Baltz propose une exploration minutieuse de cet espace inoccupé, qui a longtemps servi de décharge publique. Parmi les vues rassemblées, quelques plans d’ensemble montrent la terre délaissée, émaillée de rebuts et d’herbes tenaces poussant au milieu des cailloux. Un sentiment de vacuité domine : les intervalles situés entre les objets s’imposent au regard (…) Entre les sols vacants, les détritus et les végétaux, il n’est aucune hiérarchie”.
Finalement Lewis Baltz nous montre des sites “vidés” par l’homme ; il nous laisse les regarder tout en suggérant très légèrement que la nature n’achève jamais rien et qu’elle reste en capacité de reconstruire le paysage détruit.
- Danièle Méaux, « Paysages du chaos. À propos de deux séries de Lewis Baltz », Focales n° 1 : Le photographe face au flux, mis à jour le 29/06/2018.Voir la revue Focales : http://focales.univ-st-etienne.fr/index.php?id=422.
La question du paysage : Un mouvement de réflexion interdisciplinaire autour de cette notion émerge en Europe à partir de la fin des années 1970, quand l’euphorie du développement industriel et social des Trente Glorieuses laisse place à une préoccupation environnementale et une quête d’identité des territoires. Le paysage devient le point de convergence et la traduction de l’ensemble de ces problématiques. Il rend visible, sensible, les changements et les conversions en cours, quand la carte, en proposant une schématisation des éléments du territoire hors de tout affect ne semble pas convenir à la figuration de ces transformations. Le paysage, en revanche, semble offrir des possibilités infiniment plus riches en proposant un point de vue spécifique, ancré dans l’espace comme dans le temps. Symptomatique du rapport de l’homme à son environnement, le paysage est alors considéré tout autant comme une pratique de l’espace que comme une construction culturelle.
Paysages, photographies, travaux en cours, 1984-1985 : Les premiers résultats de la Mission sont dévoilés à la fin de l’année 1985 dans une exposition qui présente les travaux des quinze premiers photographes sollicités, et une partie des clichés est publiée dans un ouvrage au titre explicite : Paysages, photographies, travaux en cours, 1984-1985. Ce catalogue se veut en effet n’être qu’ « un carnet d’étape » d’un projet au long cours, l’exposition n’étant elle-même que la présentation d’un « atelier provisoire ». Ce livre reçoit en 1986 le prix Nadar, qui récompense un livre de photographies. L’exposition, initialement installée au Palais de Tokyo à Paris, va circuler en France et en Europe jusqu’en 1987. Paysages, Photographies, 1984-1988 : Après 1985, la Mission continue son travail, avec l’arrivée de nouveaux photographes ou pour certains, la poursuite des recherches déjà initiées. La Mission se termine en 1989 avec l’édition d’un second ouvrage, Paysages, Photographies, 1984-1988. Ce dernier constitue ainsi non pas une vision exhaustive des images réalisées mais un bilan raisonné de ces années d’expérimentation photographique et visuelle sur le paysage français.