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Fermeture du CIRS dans la Vienne – Le Centre d’Interprétation du Roc aux Sorciers est un bien commun non aliénable

Mais comment le dire ? … Pour bien le faire entendre.

Tous les jours, notre patrimoine est mis à mal par de simples calculs effectués par de médiocres comptables qui ne voient dans la notion de patrimoine qu’un actif amortissable et cessible. Quand le projet ne donne pas les résultats escomptés, on le cède. Au pire, on en stoppe l’exploitation. C’est tellement simple que l’on ne comprend pas pourquoi il faudrait y revenir. Pourtant si, nous devons y revenir pour mieux comprendre ce qui est atteint chaque jour.

15.000 ans plus tard, 100.000 visiteurs

Photo du Collectif de soutien au CIRSEn août 2014, six ans après son ouverture, le Centre d’Interprétation du Roc-aux-Sorciers (CIRS) accueille son 100.000ème visiteur. La Nouvelle République partage l’événement en écrivant le 18 août : “Ce cap symbolique est une véritable reconnaissance pour le Centre d’Interprétation qui contribue à faire partager au visiteur un joyau de l’art préhistorique, unique au monde, découvert en 1950, une frise sculptée, gravée et peinte, de plus de 20 mètres de long, datée d’il y a 15.000 ans et reconnue comme le Lascaux de la sculpture”. Dans le même temps, depuis la reprise en exploitation du centre par la communauté de commune des Vals de Gartempe et Creuse en mars 2013, les déficits d’exploitation annuels de l’ordre de 80.000 euros (soit un surcoût annuel d’environ 12 euros par habitant) s’ajoutent d’année en année. La communauté de communes considère ne pas pouvoir y faire face et Daniel Tremblay, son président, se tourne une fois de plus vers le département et la région qui avaient participé au financement du projet au même titre que l’Europe et l’Etat. Il n’y a pas de réponse. D’autres chiffres encore. Un budget de fonctionnement de 150.000 €, un déficit cumulé de 250.000 euros. Une augmentation du nombre de visiteur régulière, et surprise, un prix d’entrée qui passe de 9 € à 7 € puis à 5 €.

Dans son communiqué du 11 janvier 2016, le collectif de soutien au CIRS souligne “qu’avec près de 15.000 visiteurs annuels et une année 2014 record (17.000 visiteurs), le CIRS a démontré qu’avec une bonne synergie et une volonté politique forte de soutenir son développement, la structure peut se développer et remplir ses missions. De nombreuses écoles viennent tous les ans au CIRS, permettant aux enfants d’accéder à un lieu culturel de qualité. Le CIRS propose continuellement un programme culturel riche et varié, avec des visites nocturnes, des rencontres, conférences, ateliers et multiples animations, permettant d’assurer son rayonnement avec un retour plus que positif des visiteurs. Le public de manière unanime salue les visites guidées et l’encadrement assuré par son directeur Oscar Fuentes qui est de plus, membre scientifique de l’équipe travaillant sur le site original et auteur de nombreuses publications.”

Gestion de démission

Quoi dire de mieux, qu’il n’existe aucune stratégie développée par les responsables territoriaux qui auraient dû comprendre que ce projet avait besoin d’un soutien dans le temps et que plus encore, il aurait fallu que les écoles s’emparent de cette magnifique opportunité. Car, il faut le rappeler, les écoles des territoires à proximité fréquentent moins le lieu que les écoles parisiennes. Les élus locaux n’auraient donc pas d’influence ? On pourrait avancer encore biens d’autres chiffres. Nous ne ferions qu’alourdir le contentieux. En terme militaire, on appelle cela un sabordage.

À l’origine du projet, l’ensemble des responsables territoriaux vantaient la qualité exceptionnelle du CIRS. Oui mais, peu de temps après l’ouverture, l’Etat se désengage, le centre est donné à des concessionnaires privés qui ne réussissent pas à assurer un développement satisfaisant et rentable, la communauté de communes (dont la population est d’environ 7.000 habitants) en reprend l’exploitation directe alors que les budgets publics s’étiolent. Chacun ajoutera qu’une mauvaise conjoncture ne pouvait aider au développement du projet. Cette façon de présenter les choses est simplement scandaleuse. Scandaleuse à deux titres. Parce qu’elle remet en cause la capacité d’analyse de gestionnaires territoriaux et qu’il faudrait pour le moins être néophyte pour ne pas imaginer qu’un tel centre demandera pour le moins des investissements coûteux amortissables à très long terme. Scandaleux surtout car on ne saurait jouer avec le bien commun.

Gestion de déraison

Pour être tout à fait clair et lever toute ambiguïté, il suffit de reprendre la définition de patrimoine et de la transposer aux événements de ces derniers jours dont est victime le CIRS. Le patrimoine fait appel à l’idée d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédés. Mais quel est donc cet héritage ? La frise sculptée préhistorique du Roc aux Sorciers date de l’époque Magdalénienne, il y a 15.000 ans. Ce trésor, unique au monde est reconnu comme le “Lascaux de la sculpture”. Oui mais, l’inconvénient est que cette reconnaissance attire les touristes qui risquent de détériorer le site. Alors, pour préserver les sculptures, les autorités scientifiques et administratives de l’Etat décident de le fermer au public. Fin du premier acte. L’héritage est protégé. Il est transmis intact aux générations futures. Mais le patrimoine est aussi un héritage que nous devons transmettre augmenté. Unique au monde par son ampleur, la frise doit donc être préservée. C’est ce qui jusqu’à présent est fait. Jusqu’à quand ? C’est la question qui demande encore une réponse. Dans l’instant, c’est sur la deuxième affirmation que l’on doit se concentrer. À quoi sert le Centre d’interprétation ? Participe-t-il à la “transmission augmentée” ? Peut-il encore constituer un patrimoine pour demain ?

activité CIRS-685Dans une lettre de ces derniers jours au collectif de soutien au CIRS, Isabelle de Miranda, médiatrice en archéologie reprenait les propos  de Jacques Pelegrin (1998), directeur de recherche au CNRS pour défendre l’intérêt du centre : “L’archéologie est un regard sur l’autre nous-mêmes dans la profondeur du temps, et ainsi sœur de l’ethnologie qui est un regard sur l’autre nous-même ailleurs, ou vus d’ailleurs. C’est l’ouverture de ces regards qui doit aider chacun de nous, chacun de nos enfants, à se former une conscience humaine, de soi et des autres dans leur diversité de peau et de culture. En bref, ouvrir le regard sur le phénomène humain, c’est participer, avec l’Histoire dans son sens le plus large, à la formation de la conscience politique, dans une démocratie républicaine, ou prétendue telle, qui ne peut se passer de citoyens.”

Oui, le CIRS participe à la reconnaissance d’un travail artistique réalisé il y a quelques 15.000 ans. Ce n’est pas rien. Il ouvre notre regard sur nos capacités humaines. Il peut aller bien plus loin dans la démonstration. Le CIRS n’est pas la propriété de responsables territoriaux. La mission des politiques n’est pas “d’user” ou “d’abuser” du bien commun. Ils ont l’obligation de tout faire pour que le centre existe et poursuive ses travaux. Longue vie au CIRS.

Crédit photos : Collectif de soutien au CIRS

Plus d’informations sur le facebook : Collectif de soutien au centre d’interprétation du Roc-aux-Sorciers

Et pour signer la pétition !

L'auteur : Xavier Guillon

Rédacteur en chef et en os et profiteur d’espaces, il aime l’urbain et le crie haut et fort. En secret, il rêve de nature et prend régulièrement les chemins vicinaux.

3 commentaires

  1. Conscient de l,interet du CIRS d,Angles sur l,Anglin je souhaite son maintien. Mais attention, les medias, ne publiez pas n,importe quoi: alors qu,en France d,autres sites prehistoriques presentent les oeuvres parietales ORIGINALES au public, a Angles, non seulement il n,y est pas presente le site veritable mais de plus le moulage d un morceau de frise n,a un but que pedagogique et ne montre en rien les details voulus par les artistes magdaleniens. Par ailleurs aucun espace museologique du mobilier decouvert au CIRS. L,Administration, comme d,habitude, s,est fait plaisir sans repondre reellement a l,attente du public. Elle doit se reveiller pour le maintien du CIRS.

  2. Réponse de Xavier Guillon /Zone Franche à Pascal Le Falher – 22/01/2016

    Merci de soutenir le maintien du CIRS. Mes propos ne sont pas d’exprimer la valeur absolue de l’exposition. Comme vous, j’en reconnais l’intérêt pédagogique évident, sans pour autant ignorer d’autres sites de grande valeur patrimoniale. D’autres sur la France et l’Europe soutiennent le collectif. Je profite de ma réponse pour en présenter deux et citer leurs propos.

    Le Docteur Ian Morlay est paléoanthropologue et archéologue de formation. Il enseigne à l’institut d’Anthropologie de l’Université d’Oxford où il est responsable des programmes d’enseignement de troisième cycle et de la recherche. Il est aussi le coordinateur entre l’institut d’Anthropologie et le Musée d’Ethnographie et surtout membre de l’Institut Anthropologique Royal. Son expertise concernant l’intérêt du CIRS me parait suffisante lorsqu’il écrit en soutien : “Centre de visites et centre de recherches pour le Roc aux Sorciers à Angles-sur-Anglin, (le CIRS) est l’un des sites des mieux équipés pour rendre la préhistoire accessible au public, ainsi que pour soutenir les travaux de recherche importants sur le site. La chronologie de l’évolution humaine et l’affichage multimédia sont superbement réalisés et transmettent des idées et des connaissances extrêmement importantes sur l’histoire humaine et le comportement. La réplique de la Frise de la sculpture est la meilleure dans son genre et fait de cet exemple une ouverture sur la créativité humaine, la rend accessible au monde. Les travaux d’Oscar Fuentes et des autres intervenants mènent à produire des contributions dans le domaine académique, mais aussi aident à communiquer à un large public. Le centre fournit une importante contribution économique à la ville d’Angles-sur-Anglin, sa communauté et ses entreprises. C’est un phare de recherche (présent et passé) de la préhistoire Française, qui suscite l’intérêt du public, l’expertise et les retombées économiques régionales. Tout retrait de fonds serait sûrement une fausse économie.”

    Boris Valentin est Professeur à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne. Il y enseigne l’histoire de l’art et archéologie. Il est membre du comité de rédaction et de lecture des Publications de la Sorbonne, du Bulletin de la société préhistorique française. Il participe en qualité d’enseignant – chercheur aux travaux de l’UMR 7041 “Archéologies et Sciences de l’Antiquité” (ArScAn) dont les travaux de recherches portent sur l’archéologie, histoire et histoire de l’art, géo-archéologie, architecture, anthropologie funéraire, paléo-environnement, philologie et littérature. Il est aussi membre permanent de la commission XXXII de l’Union Internationale des Sciences Préhistoriques et Protohistoriques (UISPP). Ses recherches portent sur les modes de vie préhistoriques. Lui aussi s’intéresse au CIRS. Voici son message : “Le centre d’interprétation est un outil pédagogique et scientifique unique connaissant un large rayonnement international auprès de publics très variés, depuis celles et ceux découvrant notre préhistoire à travers cette mise en scène savante et raffinée jusqu’aux spécialistes des quatre coins du monde. Tout d’un coup, les souvenirs affluent : la visite émue qu’en ont faite mes jeunes enfants, les commentaires élogieux de touristes hollandais rencontrés sur notre lieu de vacance, la conférence que j’y ai donnée moi-même, un samedi soir d’hiver, devant un public de passionnés.
    Tout ça en vain ? Bien conscient des difficultés que rencontrent aujourd’hui les collectivités territoriales, je ne veux pas croire que les communes concernées sacrifient ce si bel outil qu’elles ont su créer pour promouvoir leur exceptionnel patrimoine.”

  3. For the love of God, keep writing these arceilts.

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