Certains ouvrages méritent un peu plus qu’une simple fiche de lecture ; « 2054, voyage en transition » est de ceux-là, parce qu’au-delà d’une promenade, il y a dans ce livre tout un travail d’étude qui se dévoile dans la proposition d’un futur, des hommes, des paysages, et l’idée d’aller vers une « autonomie connectée », de réinventer un territoire en questionnant sa mémoire, « en s’appuyant sur l’incroyable capacité des hommes à échanger et à inventer ».
Dans un archipel de belles idées, l’écriture d’un paysage en transition
Le résultat est à la fois une monographie – dans le sens où il s’agit ici d’une étude approfondie limitée à un fait social particulier [le devenir d’un territoire] fondée sur une observation directe de l’architecte urbaniste Marc Verdier [appuyée par deux autres regardeurs, Régis Wojciecchowski et Cendrine Bonami-Redler] qui, mettant en contact avec les faits concrets [le passé et l’histoire du pays], participe de l’expérience vécue [ce que le pays est devenu 30 ans plus tard] – une histoire, une projet de société.
C’est une histoire qui commence par « Cela fait maintenant 34 ans que Violette n’a pas revue sa région natale » ; c’est une histoire encore qui raconte le retour d’une enfant du pays, qui se souvient avoir arpenté la région avec son père architecte et qui aussi la découvre, puisque « ici comme ailleurs » les villages, les bourgs depuis les années 2020 se sont transformés, régénérés… et cela pas vraiment en raison d’un exode urbain massif, mais plutôt parce que depuis longtemps déjà, on pensait à « poser les conditions d’un nouvel équilibre entre les villes et les campagnes », et qu’enfin une nouvelle façon d’habiter se mettait en place, reprenant quelques vieilles réalités, mais aussi curieusement, comme je le lis dans la préface de l’ouvrage rédigée par le philosophe Dominique Bourg, parce que les villes étaient appelées à se fragmenter, à se laisser pénétrer de serpents de verdures, au point de se disséminer en villages.
“Quand j’ai passé le bac, mon collège était le seul de la région parisienne à proposer une option ‘culture et maraichage’.
C’était un peu expérimental à l’époque oùl’agriculture n’était qu’un vœu pieu.
Désormais, tous les étudiants, quel que soit leur cursus, doivent suivre une formation de base en agronomie… ”
C’est un projet de société, puisqu’ici est racontée la transformation d’un territoire ; celui d’une nouvelle urbanité plus rurale qui se serait inventée, attractive, nourricière, conviviale et solidaire. Dans ce projet de société, la ruralité, comme je le lis en introduction, « encore une fois dans notre histoire, a su se réinventer », les “ruralités” sont devenues les « avant-pays ». Tout enfin était reconnecté.
Comme un inventaire d’initiatives…
En bref, l’idée de ce carnet de voyage en transition a été proposée par Marc Verdier, architecte-urbaniste et directeur du CAUE 54, pour donner à voir « les nombreuses initiatives d’élus, d’associations, d’habitants, de collectifs qui émergent » en Meurthe-et-Moselle et « porter la bonne nouvelle que semble constituer cette nouvelle forme de “ménagement” du territoire, capable de rendre solide et durable une nouvelle forme de paysage résiliant et résistant ».
“À Velle-sur-Moselle, des gravières en exploitation, de mon enfance, il ne reste plus que les superstructures industrielles transformées en observatoires.”
La mission : elle a été réalisée par la graphiste Cendrine Bonami-Redler et l’architecte Régis Wojciechowski. Cendrine, qui a cette habitude (selon ses propres mots) de regarder ce que l’on ne voit plus, de préserver ce qui est voué à disparaître, de dessiner pour témoigner, et qui sait alors si bien raconter en dessins les paysages qu’elle rencontre, avait pour rôle d’illustrer les propos, ou plutôt de transcrire les paysages rencontrés de la Meurthe-et-Moselle. Régis, lui est un passionné des territoires qu’ils ont arpentés ensemble ; c’est un amoureux de son département qui sait particulièrement lier la géographie, les paysages à l’histoire des gens d’ici, à leur façon de vivre ; « Régis, ajoute Cendrine, était extrêmement attentif et présent ; il savait répondre à toutes mes interrogations, et discret, il me laissait réaliser mes dessins tels que je le désirais ».
Et c’est ainsi que Cendrine en neuf mois de travail, accompagnée de Régis pendant quatre mois de collecte d’informations, son guide, a pu transcrire en cent-vingt dessins, d’abord dessinés in situ, puis repris en atelier, l’état d’un territoire en pleine mutation. Ainsi, textes et illustrations au-delà de l’utopie deviennent un manifeste !
Ce qu’en dit l’initiateur du projet, l’architecte-urbaniste Marc Verdier
En ce début de XXIe siècle, on se disait que l’on devait agir et on ne le faisait pas: informés que la décennie 2020-30 serait décisive, nous n’étions pourtant pas vraiment en ordre de marche pour changer nos modes de vie… Malgré tout, dans les années 2020, un archipel de belles idées et de beaux projets émergeait, ici comme ailleurs, dans ce village, dans ce bourg, dans cette ferme isolée au bout du chemin. À mi-parcours du XXIe siècle, enfin, le territoire s’est transformé. L’exode urbain ne fut pas massif comme on aurait pu l’imaginer juste après la pandémie du début des années 2020, mais suffisant pour poser les conditions d’un nouvel équilibre entre les villes et les campagnes.
Ce qu’ajoute l’éditeur
Porté par les dessins in situ de Cendrine Bonami-Redler, « 2054 Voyage en transition » propose un carnet de voyage dans le paysage et le temps, comme un laboratoire d’initiatives à l’échelle d’une région, mais applicable plus largement à tout un territoire.
Marc Verdier est Architecte-Urbaniste, Maître de conférence à l’ENS Architecture de Nancy et Directeur du CAUE de la Meurthe-et-Moselle. Il est aussi responsable scientifique de la « chaire de recherche partenariale « architecture et nouvelles ruralités : milieux vivants » ; membre du Conseil d’Orientation, de Recherche et de Prospective de la Fédération des Parcs naturels régionaux de France ; et membre fondateur du collectif des PAP – Paysages de l’Après Pétrole. Régis Wojciechowski est architecte DPLG. Diplômé en 2001 de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy. Il a rejoint l’équipe du CAUE de Meurthe-et-Moselle en 2019 après avoir géré pendant 18 ans l’agence WMArchitecture. Graphiste, Cendrine Bonami-Redler travaille avec/pour des architectes, scénographes, paysagistes et urbanistes ; Parallèlement, elle enseigne dans des écoles supérieures d’architecture et paysages. En 2014, elle publie « De baraque en baraque » (édition la ville brûle), un ouvrage cinq fois primés dans différents festivals. En 2017, parait « Dans son jus – voyage sur les zincs » avec Patrick Bard aux éditions Élytis ; en 2020, « 2054 – voyage en transition » toujours aux éditions Élytis, et « Je ne m’arrête jamais » aux éditions “Sous la glycine”.
Pour le feuilleter virtuellement, c’est ici : https://www.editionselytis.com/product-page/2054-voyage-en-transition
Elytis Éditions / parution 20 novembre 2020 / ISBN 9782356393043