Aujourd’hui, ce que je retiens de mes observations quotidiennes ce sont ces sentiers tracés graduellement par érosion à la suite du passage répété de piétons, cyclistes ou animaux. Je suis revenu à ces chemins du désir, qu’on appelle aussi chemins de chèvre, et aussi lignes de désir dans le langage des urbanistes.
Je lis sur le blog «Bougez autrement à Blois » : Les lignes de désir ; ce concept original désigne un chemin ou une sente créé par les animaux, les piétons, les cyclistes. L’itinéraire est naturel, logique, direct et confortable. Mais il est aussi souvent différent de l’itinéraire créé par les aménageurs… Oui, ce cheminement qui marque le paysage représente généralement l’itinéraire le plus court ou le plus facile à parcourir entre une origine et une destination. On remarque même d’une façon constante que ces sentiers sont d’autant plus nombreux que le piéton n’est pas ou peu prévu dans l’aménagement, et doit se forger son propre réseau.
Les lignes de désir sont le symptôme d’un aménagement urbain déficient
En rapportant dans La Presse (un quotidien canadien) une affaire en cours de jugement au palais de justice de Montréal, la journaliste Rima Elkouri écrivait en 2012 que « madame S. », citoyenne du Mile End, y était pour contester une contravention reçue pour avoir osé traverser la voie ferrée qui sépare son quartier de la Petite-Italie. Dans son article Rima Elkouri mentionnait : Dès 1992, alors qu’il travaillait à la Ville de Montréal, l’urbaniste Jean Décarie avait en effet étudié en long et en large cette cicatrice urbaine créée par le chemin de fer du CP. Le long du couloir ferroviaire, on avait fait l’inventaire des brèches dans la clôture. En suivant les pas dans la neige, on avait cartographié les «lignes de désir». […] Ces nombreuses lignes de désir sont très éloquentes. Elles sont le symptôme d’un aménagement urbain déficient. Si on y érige un mur, il sera démoli. Si on plante une clôture, elle sera coupée. Si on répare la clôture, elle sera trouée le lendemain. Et si on donne des contraventions aux «délinquants», cela ne changera absolument rien…
La largeur et la gravité de l’érosion, indicateurs du niveau de trafic
Il n’y aurait donc qu’à les remarquer, les comprendre. D’autant que la largeur et la gravité de l’érosion sont souvent des indicateurs du niveau de trafic qu’un chemin reçoit. Ce sont des raccourcis qui se dessinent là où les chemins construits empruntent un chemin détourné, ont des lacunes ou sont inexistants. Sonia Lavadinho – une géographe, sociologue, spécialiste en anthropologie urbaine et de la marche urbaine – qui interroge les dynamiques de proximité et la proxémie (1) de l’espace public, les définit comme les courbures optimales du tracé qu’un piéton laisse dans son sillage lorsqu’il est totalement libre de son mouvement. Elle ajoute : les lignes de désir sont constamment contrées par d’autres forces (véhicules, aménagements urbains, etc.).
Bachelard le confirme, la nature trouve toujours le chemin le plus simple pour aller à son but. C’est évidemment une poétique de l’espace …