Après une formation de paysagiste à Angers, Guillaume découvre la pierre en Savoie lors de la construction d’un jardin. De retour dans sa région du Loir, il va chercher à l’apprendre, à en comprendre la texture. Il redécouvre les caves et l’habitat troglodytique, la présence du rocher, ses failles et les coulées d’argile, la végétation qui s’y adapte. Alors, lorsque Guillaume décide d’acheter sa maison semi-troglodytique, il y a d’abord l’envie de poursuivre l’histoire d’un lieu et de ceux qui avant lui l’ont habité.
La mémoire et les traces sont partout. Il faut parfois les effacer. Il faut surtout en préserver le sens, en comprendre la raison. En projection, la ruine qu’il acquiert, se reconstruit déjà. Elle conserve le souvenir de la vieille femme qui y habitait il y a seulement quelques années. Elle ajoute à son présent une nouvelle famille, Guillaume, Laetitia et Carmen.
La greffe
Pour Guillaume, une maison semi-troglodytique est en quelque sorte une greffe. Pour la faire respirer, il faut constamment préserver l’équilibre entre la nature et le construit. C’est une maison vivante, née de la nature végétale et minérale. La pierre, c’est le rocher dans laquelle elle s’insère, c’est la fondation même du logis. La végétation, c’est elle que l’on doit entretenir pour qu’il n’y ait pas d’effritement mais qu’il ne faut pas non plus trop laisser libre. Une maison « troglo », c’est l’évidente présence de la nature. Elle a ses repères et ses marques. Tout un « écosystème » s’est installé au fil du temps. Il faut donc en accepter les règles, la comprendre pour partager avec elle la complicité qui s’impose, couper, élaguer, abattre, protéger, prendre en compte la végétation, le terrain, l’ensoleillement…
Cela fait trois ans déjà que les travaux ont débuté. Au début, il n’y avait que les 50 m² habitables qu’offrait le seul étage de la maison accolée au coteau. La toiture est tombée. L’humidité ruisselle pour en finir la destruction. En bordure, dans le rocher, une maçonnerie ancienne témoigne l’existence d’un cellier. Le reste ressemble à de simples caves ouvertes pour l’extraction de la pierre. Le tout est encombré de vieilles barriques défoncées, vieux bois, bouteilles vides et ferrailles inutiles. Pour relever le logis, Guillaume devient maçon, charpentier, couvreur, électricien, plombier, carreleur. La maison nait d’échanges de matériaux, de main-d’œuvre. De vieilles poutres et de nouveaux blocs de pierres sont apportés pour la nouvelle élévation. Les matériaux récupérés sur place sont réutilisés.
Une maison-jardin
Pour Guillaume, la nature du troglo doit aussi être soigneusement travaillée dans un certain désordre apparent car au-delà même de sa nécessaire cohabitation, l’idée est que rien ne puisse déséquilibrer l’ensemble, que la végétation, les voûtes et le rocher soient une maison-jardin. Dans cet ensemble discret, les salles s’ouvrent et se croisent. Elles viennent se perdre dans le sous-bois en haut de rocher. Elles en structurent le jardin tout en se l’appropriant. Une végétation d’ombrage s’y est installée. Le sol est couvert d’un tapis de lierre, de fougères, de mahonias, de petits houx, de violettes, de primevères, de pervenches, d’ancolies et de campanules.
Au-dessus, en terrasse, profitant d’un ensoleillement Sud-Est, des arbres fruitiers poussent, un cerisier est encouragé à grandir. La végétation est gauloise. Des pommiers, des érables champêtres, des chênes, de petits ormeaux et de l’épine noire en structurent l’esprit. En trace encore de la présence durable de l’homme, une vieille lessiveuse est devenue le chapeau protecteur de la cheminée principale.
En demi-coteau, la cour est en prairie naturelle. Elle est la partie ouverte du troglo, pour l’accueil des amis. Les coquelicots, les jonquilles, les perce-neiges, les primevères et les anémones s’y sont installées en complète évidence. Le volume est créé par la présence de petits bosquets constitués d’ormeaux, d’érables, d’acacias, de noisetiers, de lonicera nitida en couvre sol et de lilas. Devant la maison un grand seringa a été préservé. A la porte, une treille de chasselas invite la gourmandise. L’ensemble reste « nature », un succédané de liberté que les escargots de bourgogne apprécient.
L’espace troglodytique
L’ensemble du sol des pièces à vivre en rez-de-jardin, est en carrelage céramique coloré dans des teintes de roches schisteuses et de terres. Il apporte un soutien à l’architecture rupestre. D’anciennes cloisons sont abattues pour une meilleure circulation de la lumière et la respiration de l’ensemble habité. De nouveaux espaces s’ouvrent dans le rocher. 120 m² sont ainsi ajoutés. Dans une première alcôve, un grand salon est créé. À proximité d’une ancienne coulée d’argile, le caveau est creusé en fond de salle. Il n’y a pas besoin d’y descendre. Le vin est à température.
Dans une des vieilles cheminées qui avait été antérieurement bouchée, le nouveau chauffage à bois a trouvé naturellement sa place. Les gaines souples que l’on oriente au gré des besoins diffusent la chaleur dans l’espace. Au fil du temps, des niches se sont ouvertes ou fermées selon les besoins du moment. Elles servent de placards, de rangements. Dans une niche creusée dans la pierre, trois bouteilles et un capuchon de verre étaient là bien avant que la nouvelle famille s’installe. Elles y ont été laissées, comme une trace. D’autres trous témoignent la présence d’un ancien plancher à hauteur nécessaire au litage et à l’existence de petits greniers.
L’espace nuit
Progressivement, la maison s’agrandie. Deux chambres et une salle de bains sont à l’étage dans la partie non troglodytique. Le rocher en est protecteur. Il est l’écrin de l’espace nuit. Dans la salle d’eau, le rocher chaulé joue avec une vasque en pierre de l’Atlas. Le tout apporte une fraicheur à la salle d’eau.
L’harmonique « minérale-végétale »
La volonté pour Guillaume et Laetitia est encore de poursuivre la respiration de leur habitation troglodytique pour le simple plaisir d’une harmonique « minérale – végétale ». Le petit nid se construit dans la conservation des matériaux qui appartiennent au lieu. D’autres s’y ajoutent sans aucune apparente ordonnance. Comme une ruche, dans le respect d’un certain protocole, le « troglo » se compose. Il est de pierre, de bois d’œuvre, de végétal, mais aussi de terres et de sables qui se côtoient, de matériaux que l’on travaille à la main.
Photos François Lison et Xavier Guillon