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RUUP est un kiosque à musique forestière

Dans la région de Võrumaa habite “Tamme-Lauri”, un chêne, qui aurait aujourd’hui une circonférence de plus de 8 mètres et pas loin de 700 ans. C’est pour les Estoniens un arbre tellement respectable que son image est imprimée au dos d’un billet de 10 couronnes. Ce chêne est aussi l’affirmation d’une nature toujours célébrée en Estonie, d’un pays principalement constitué de bois, de forêts, de marais à tourbières et de lacs.

Dans ce pays où la nature est écoutée, son espace devient réservoir d’émotions. Le land art se mue alors en pratique sensorielle, la forêt se transforme en source créatrice. Ainsi, dans la forêt de Võru, près du village Pähni, sont nées en septembre 2015 des architectures capables d’enrichir les sons mais aussi les silences, trois immenses cornets acoustiques qui aujourd’hui encore produisent ensemble un effet sonore unique dans l’épicentre de l’installation. Surtout, l’œuvre est devenue l’audiothèque vivante de la forêt estonienne, l’illustration sonore d’un patrimoine.

Lire la forêt

2 estonian-forest-megaphones-wood-sound-installation-9[1]Qu’est une forêt ? Qui et comment sommes-nous dans la forêt ? Comment survivre dans la forêt ? Comment les conditions climatiques en contrôlent l’espace ? Comment cohabiter avec la nature? Comment agir dans la forêt ? Qu’est-ce qu’une bibliothèque ? Qu’est-ce que la lecture ? Que pouvons-nous lire dans la forêt ? Avons-nous besoin de livres ? Qu’elle pourrait être la fonction d’une bibliothèque de la forêt ? Peut-on lire la forêt elle-même ? C’est en cherchant à répondre à ces questions et en explorant le lien profond existant entre la nature et la culture avec Valdur Mikita (intervenant dans le projet – voir note) qui révèle la façon dont la langue et la culture estonienne est enracinée dans la nature que Birgit Õigus, étudiante en architecture à l’Académie des Arts d’Estonie,  comprend que la forêt est un catalogue infini de véritables « livres audio » qui se renouvelle en permanence. Pour elle, le premier objectif serait alors d’abandonner notre premier sens, la vue, afin d’exclusivement nous concentrer sur l’ouïe. Au lieu de « lire dans la forêt », il vaudrait mieux chercher à « lire la forêt autour de nous ». « La bibliothèque de la forêt » serait un lieu pour nous sortir de notre monde ordinaire.

Entendre la nature

3 Photo de Tonu Tunnel [1]Ainsi, pour Birgit Oigus, initiatrice et pilote du projet “Ruup” qu’elle réalise avec d’autres étudiants (voir note), la nature a des choses à nous dire. Il fallait lui permettre de les faire mieux entendre. Et cela se lit dans la réalisation puisque Valdur Mikita affirme que la conception architecturale (des mégaphones) permet de constater la richesse du son de la forêt autant que la force de son silence ; que c’est un lieu d’écoute destiné à parcourir le livre sonore de la nature.

Et ce lieu devient un refuge au centre de la forêt, une étape qui aide à s’évader du monde pour mieux y revenir. C’est pour le moins ce que nous retenons des propos de Birgit Oigus lorsqu’elle exprime que la forme symbolique de ses mégaphones aide les personnes à se concentrer et à écouter ce qui se passe autour d’elles. Mais aussi, lorsqu’elle précise que le premier objectif (de l’installation) est d’oublier notre premier sens, la vue, afin d’exclusivement nous concentrer sur l’ouïe. Il s’agit en fin de compte d’un lieu pour sortir de tout ce qui nous est habituel, d’un pôle de reconnexion. C’est encore ce que l’on ressent à la lecture des propos  de Hannes Praks (intervenant dans le projet – voir note) : Au plus loin que nous recevons la vibration intense de la capitale, nous pouvons ressentir les vibrations en basse fréquence de la nature.

Et capturer l’essence de la forêt

4 Photo de Henno Luts [1]Au cœur de la forêt estonienne “Ruup” s’est installé. Trois cônes de bois de mélèze et de merisier, d’un diamètre de trois mètres chacun ont été mis en place afin de permettre l’amplification des bruits et des silences, mais aussi, l’a rappelé Hannes Praks, afin que le mélange des sons provenant des trois directions produise un effet sonore unique en son centre et pour que trois écritures musicales s’ajoutent dans une auto-construction fusionnelle aléatoire. Plus encore, le bois ajoute à l’identité sonore de la nature, une acoustique plus délicate. Ces mégaphones permettent de capturer l’essence de la forêt. En tout cas, l’architecte Aet Ader (intervenant dans le projet – voir note) l’affirme : les mégaphones prennent le randonneur par surprise – Ils modifient l’échelle, créent un inattendu et sont absurdement grands dans les bois profonds et tranquilles. Leur forme est une référence très symbolique au sens de l’ouïe et au processus d’écoute. L’installation surtout bouleverse nos perspectives. Dans un monde qui tourne de plus en plus vite, il peut être bon de focaliser pour effacer les bruits de fond et le superflu, pour les encadrer. Passer du temps dans un environnement inhabituel améliore nos capacités de concentration et même d’entendre nos propres pensées.

À l’orée de l’Estonie, “Ruup” est une bibliothèque ouverte dotée d’un seul livre – la nature. S’y asseoir, y dormir, penser et écouter, c’est ce qui de prime abord parait possible. C’est encore une place qui permet les rencontres et les spectacles. C’est une façon surtout d’immerger en pleine nature un amplificateur de conscience architecturale.

 

Et les photos sont de :

Henno Luts : info@mellow.ee

Tonu Tunnel : hello@tonutunnel.com

 

Plus d’informations sur le projet : http://www.ruup.ee/en

Origine du projet : Un cours intitulé “bibliothèque de la forêt publique” avec en introduction une immersion des élèves sur plusieurs jours dans la forêt, accompagnés de l’auteur biologiste et sémioticien Valdur Mikita qui a publié en 2013 le livre “Forêt linguistique”. L’objectif : trouver l’idée pour une “conception de la bibliothèque de la forêt”.

Auteur de l’idée : Birgit Õigus – Pour elle, au lieu de ”lire dans la forêt”, il vaudrait mieux chercher à “lire la forêt autour de nous”.

Équipe : étudiants de première année d’architecture intérieure à l’Académie des Arts d’Estonie / Mariann Drell, Nina Hemmerijckx, Ardo Hiiuväin, Lennart Lind, Henri Kaarel Luht, Andrea Miku, Klarika Maeots, Mariette Nõmm, Tiiu Saal, Johanna Sepp, Kertti Suies, Sabine Suuster, Teele Tomson, Kersti Tumm, Birgit Õigus.

Exécution : sous la supervision d’Avo Tragel, le chef de l’atelier bois de l’Académie des Arts d’Estonie.

Professeurs référents : Hannes Praks, responsable du département d’architecture intérieure de l’Académie des Arts d’Estonie, Tõnu Peipman, ingénieur spécialiste en mécanique théorique qui enseigne à l’Académie des Arts d’Estonie.

Tuteurs : Les architectes Aet Ader, Karin Tõugu, Kadri Klementi, Mari Hunt (architecture Bureau b210), les designers Tõnis Kalve et Ahti Grünberg.

Partenaire : Estonian Forest Management Centre – RMK

L'auteur : Xavier Guillon

Rédacteur en chef et en os et profiteur d’espaces, il aime l’urbain et le crie haut et fort. En secret, il rêve de nature et prend régulièrement les chemins vicinaux.

2 commentaires

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